Chapitre 29

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Je me tourne vivement vers Emiko en lui faisant signe de se taire d'un geste de la main. Ses yeux me lancent des éclairs. Je reste quelques minutes au téléphone avec Tōji et lorsque je raccroche, je suis étonné qu'il soit entré en contact avec moi. Cela fait pratiquement dix jours que je ne l'ai pas vu.

Je retourne auprès de Saki, sur le tapis bordeaux en ignorant le regard insistant de la jeune femme.

-          T'es une petite peste, déclare-t-elle en croisant les bras.

-          C'est marrant.

-          Ça le sera moins quand il l'apprendra.

-          Pff, tu crois qu'il va faire quelque chose ? Il fera rien du tout, dis-je, une pointe d'arrogance dans la voix.

Emiko continue de me dévisager. Ce n'est pas ma faute si son nom de famille signifie petite forêt. Je n'ai pas beaucoup d'occasion de taquiner le yakuza alors quand une occasion comme celle-ci se présente, je ne me fais pas prier. C'est de bonne guerre après tout ce qu'il m'a fait subir, non ?

-          Hey, Yoshi, réplique Saki en levant les yeux de son jeu vidéo.

-          Oui ? réponds-je en tournant la tête vers lui.

-          Ren t'attend toujours pour aller au cinéma.

Un sourire espiègle s'étire sur le coin de ses lèvres. Je plante mon regard dans le sien en me raclant la gorge.

-          A-ah ouais ?

Je n'ai pas revu Ren depuis la soirée karaoké. Il m'avait en effet suggéré une sortie en sa compagnie et je ne l'ai toujours pas relancé. A vrai dire, étant donné les derniers évènements, j'étais un peu indisposé...

-          Ouais. Mais il est patient... Juste il se demande ce qu'il se passe.

Saki me fixe. Il n'est pas sans arrière-pensée, je sais qu'il aimerait lui aussi savoir ce qu'il se passe. Pourquoi est-ce que je m'isole ici ? Pourquoi j'ai encore des ecchymoses à travers le corps ? Si je devais tout lui avouer, ça serait comme replonger dans le gouffre.

-          Je l'appellerai en rentrant à Tokyo, soufflé-je sans grande conviction.

Tandis que je me lève, mon ami me suit du regard. Ça le démange, il a envie de prolonger la discussion.

Emiko nous regarde d'un air suspect.

-          C'est qui, 'Ren' ? demande-t-elle.

-          Un de nos amis, répond Saki en se levant à son tour.

-          Mmh...

Au moment du coucher, Saki et moi sommes allongés sur nos futons respectifs, à la recherche du sommeil. Mes yeux fixent le plafond, une moue sur le visage. Comme à mon habitude, je suis plongé dans mes pensées. Je repense aux propos de Saki. Il a le droit de savoir, c'est mon meilleur ami. C'est mon frère.

Je me redresse subitement et observe son corps étalé sur le matelas, son t-shirt mit à l'envers et ses chaussettes dépareillées. Franchement, du Saki tout craché quoi.

-          Tu dors ?

Il ouvre un œil.

-          Non, et toi ?

-          Bah non, t'es con ou quoi ?

Il fronce le nez et se redresse à son tour. Ses cheveux châtains sont tout ébouriffés.

-          Qu'est-ce qu'il y a ? dit-il en passant une main sur son visage.

Je ramène mes genoux contre mon torse en observant le vide quelques secondes, incertain de ce que je vais dire.

YakuzaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant