Chapitre 137

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Ma cigarette tombe au sol sous l'effet de mes lèvres qui s'entrouvrent. Je l'observe de mes yeux ahuris, l'expression figée. Malgré l'information qui monte à mon cerveau, je suis incapable de faire le moindre mouvement. Emiko se charge de le faire à ma place ; elle attrape le pan de ma veste et me tire à elle avant de me prendre brusquement dans ses bras. Je n'ai même pas le temps d'émettre un mot qu'elle fond en larmes.

-          Mon frère, bredouille-t-elle en resserrant son étreinte.

Le choc me parcourt tout entier. Je reste hébété et surtout confus puis petit à petit les larmes me montent aux yeux. Je l'enlace avec délicatesse et pose mon menton sur le dessus de son crâne. Je ne réalise pas.

Emiko est dans mes bras. Ma meilleure amie. Ma sœur. Ma famille.

Est-ce que... ?

Mes jambes deviennent chancelantes et j'ai soudaine impression de ressentir un vertige. Pourtant, je n'ai pas bu une goutte d'alcool. Je me suis abstenu pour garder les idées claires. Je crois qu'encore, les émotions se déchargent dans mon corps et me font des signaux de détresse. Je ferme lentement les yeux en me crispant, une grimace sur le visage et les larmes coulent toutes seules, venant ravager mon visage blafard et déformé par la tristesse.

Emiko renifle dans mon cou et se blottie dans mes bras. Ses larmes mouillent le col de ma veste mais je m'en fiche. J'ignore si je suis dans un rêve mais cette douce impression me donne le réconfort tant désiré.

-          Y-Yoshiro... Pardon... C'était si long, murmure-t-elle.

La jeune femme se retire de mes bras et m'inspecte avec un regard empli de douceur. Elle glisse ses mains sur mes joues froides et sèche mes larmes d'un revers de pouce. Un petit sourire traverse son visage et ses pommettes mouillées deviennent roses. Nous nous sondons pendant de longues secondes, nullement décidé à briser ce moment. Je reste pendu à ses lèvres, le cœur lourd.

-          Tu... Qu'est-ce que tu fais ici ? soufflé-je.

La colère a déserté mon cœur et la confusion est venu prendre sa place.

-          Je... Je suis arrivée il y a quelques jours à Tokyo et... Je n'ai pas pu résister. L'attente devenait insupportable. J'avais besoin de te voir, voir comment tu allais. Tu n'as jamais répondu à mes lettres, alors... Je ne supportais plus d'être dans l'ignorance, avoue-t-elle d'une voix pleine d'émotion. Et... Je sais que...

Ses mots meurent sur ses lèvres en voyant mon air abattu. Elle ajuste le col de ma veste en se crispant, affichant un sourire forcé alors que le trouble est visible dans son regard d'émeraude.

-          Quoi donc... ? chuchoté-je.

Elle tourne soudainement la tête lorsque la porte de l'établissement s'ouvre en grand. Ren passe le pas de la porte et s'approche, un sourcil élevé. En apercevant Emiko qui tripote ma veste, il se fige et me lance un regard remplit d'interrogation. Je décèle même un brin de jalousie à travers ses pupilles brunes.

-          Yoshiro ? Tout va bien ? réplique-t-il.

Automatiquement il pose une main sur la chute de mes reins et dérive son regard sur mon amie. Emiko se raidit et lève le menton, le toisant discrètement. Elle retire ses mains de ma veste et les fourre dans ses poches.

-          Oui... Oui... J'ai rencontré...

-          Je suis Emiko, une amie à Yoshiro. Et vous ? Qui êtes-vous ? déclare-t-elle en fixant Ren.

-          Ren, le petit ami de Yoshiro. Il ne m'a jamais parlé de vous, répond-il en lui rendant le même regard.

Je reste muet, les yeux rivés sur mes chaussures. Et lorsque je sens le regard insistant d'Emiko sur ma personne, je fais bien de fixer mes baskets délavés.

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