Chapitre 118

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Je perds les pédales. Plus le temps passe, plus je m'effondre. Je n'arrive plus à me reconnecter à la réalité pour rebondir sur mes pieds. La vie me frappe de plein fouet et je succombe à ses attaques.

L'enterrement de Saki s'est déroulé il y a quelques jours et je sens encore le regard poignant de Tōji dans mon dos. Il ne m'a pas retenu. Il s'est avoué vaincu.

J'ai honte de ce que je deviens. Je n'arrive plus à démêler le vrai du faux. Mes émotions se bousculent et prennent une trop grosse place à l'intérieur de moi. J'ai beau évacuer en pleurant et en ruminant, rien ne change. Elles sont toujours là, prêtes à me frapper et à me faire tomber.

Aux infos, j'ai entendu dire que plusieurs locaux désaffectés avaient subis d'importantes explosions. Les ministres manipulent la population en faisant croire que les manifestants sont responsables mais je sais qu'au fond, une vendetta est menée contre Aleksander. Si mes souvenirs sont bons, Tōji avait passé un marché avec le mafieux Li Huang. Cet homme est notamment connu pour posséder une armurerie flambant neuve.

Si cela s'avère, cela veut dire que Tōji s'active à attraper Aleksander. Et moi, je me lamente dans mon coin.

Je suis parti de chez Hana, honteux de lui cacher tous mes tourments. Elle n'a pas compris mais a accepté ma décision.

Aujourd'hui est une journée comme tant d'autre, où je suis seulement capable de me morfondre et de culpabiliser pour toutes les erreurs que j'ai faites. Ren reste à mes côtés et je dirais même qu'il ne me lâche pas d'une semelle. Il semble craintif à l'idée que je commette une erreur irréparable. Comme si j'étais du genre à avoir le courage de passer à l'acte.

Bien sûr que si.

Je prends un instant ma tête entre les mains, les dents serrées et les yeux imbibés de larmes. Je ne sais plus ce que je pense, je ne sais plus quoi faire. J'arrive au point de rupture.

Aidez-moi !

Assis en face de moi, sur une banquette en cuir, Ren prend tendrement mes mains entre les siennes. Ses yeux clairs me contemplent avec une profonde tristesse et me voir à bout le chagrine un peu plus chaque jour. Il se racle la gorge et pousse mon assiette pleine vers moi.

Nous nous trouvons dans un petit restaurant. Ren a tenu à m'y emmener pour me changer les idées. Enfin, je pense que c'est surtout pour s'assurer que je m'alimente.

- Allez Yoshiro... Mange un peu. Tu n'as rien avalé ces jours-ci, souffle-t-il difficilement.

Je m'en veux de lui imposer ce fardeau. Il a bien assez à gérer avec sa famille, son travail et ses matchs de boxe. Il doit en plus se farcir mes problèmes.

Je me sens comme une merde.

J'ai repoussé tous les gens qui s'inquiétait pour moi. Tōji m'a tendu sa main et je l'ai jeté. J'ai rejeté toute la faute sur lui alors que le véritable coupable, c'est moi. Je n'ai pas réussi à assumer mes erreurs. Il est toujours plus facile de s'en prendre à ceux qu'on aime le plus.

Dans un reniflement peu glamour, je plante ma fourchette dans mon plat et examine le contenu. Ren continue de m'observer et cherche mon contact du bout des doigts.

- Pourquoi tu es parti de chez Hana ? Tu vas aller où ? Yoshiro, je m'inquiète...

- J'sais pas, peut-être que je devrais retourner à Okinawa... Ma grand-mère me manque, marmonné-je dans ma barbe, les yeux rivés sur mon assiette.

J'ai besoin de ses câlins réconfortants. J'ai besoin qu'elle me dise que tout ira bien.

Ren fronce le nez. Ses mèches de cheveux blondes retombent sur son front et à travers celles-ci, je distingue ses yeux qui me jauge.

YakuzaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant