Chapitre 54

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Le visage de ma grand-mère passe par plusieurs émotions. J'y lis la surprise, l'indignation, l'irritation puis la joie. Elle lève les mains en l'air, les sourcils élevés tandis que Hiriko tourne autour de moi en aboyant.

- ... Yoshiro ? dit-elle de sa voix douce et enrouée.

- Surprise, soufflé-je en gardant un grand sourire sur le visage. Tiens, c'est pour toi.

Je lui tends le bouquet de rose, fier de mon geste. Je sais que ma grand-mère adore les fleurs. Elle réceptionne le bouquet et hume un instant l'odeur qu'elles dégagent.

- Elles sentent bon. Qu'est-ce que tu fais là ? Il est tard. Tout va bien ?

- Oui ça va, j'avais envie de te voir.

Tout en continuant de me parler, elle s'écarte pour me laisser entrer. Ma grand-mère se met en marche vers la cuisine et je la suis en observant les lieux. C'est comme dans mes souvenirs. Les photos ornent les murs et le plancher craque toujours autant. Ce foutu sol m'a souvent gêné pour faire le mur !

A la cuisine, ma grand-mère dispose les fleurs dans un vase en céramique et se tourne vers moi. Elle prend mon visage en coupe, les yeux humides.

- Ma perle. Tu m'as tellement manqué ! déclare-t-elle en me prenant dans ses bras.

- Toi aussi, mamie... Je suis désolé d'arriver si tard, dis-je en la serrant contre moi.

Elle se recule un instant et m'étudie longuement de ses petits yeux plissés.

- Regarde comme tu as grandi ! Je n'arrive pas à y croire. Quel beau jeune homme.

Je lui adresse un léger sourire en fourrant mes mains dans mes poches. Je ne suis pas très grand, je sais qu'elle dit cela pour me faire plaisir. Ma taille a toujours été un complexe, surtout quand je suis rentré dans l'adolescence. Les autres garçons de mon âge grandissaient tandis que moi je stagnais. C'était frustrant.

C'est toujours le cas, d'ailleurs. Ma voix n'est pas très grave et j'ai du mal à avoir de la barbe. Je crois que la virilité m'a abandonné à la naissance. Saloperie.

- Merci mamie mais tu exagères. Je n'ai pas changé.

Elle m'observe du coin de l'œil et commence à préparer du thé. L'odeur des herbes enveloppe rapidement la pièce.

- Mentalement, c'est certain. Tu as l'air d'être toujours aussi casse-pied, marmonne-t-elle.

Hiriko émet un aboiement comme s'il était d'accord avec elle. Je grimace et le foudroie du regard. Foutu cabot.

- Humpf... Du coup, ça ne t'embête pas si je reste quelques temps à la maison ? demandé-je en m'asseyant au sol, sur un coussin.

Je pose mes coudes sur la petite table en bois tout en l'observant faire. Ma grand-mère tourne légèrement la tête vers moi. Ses traits sont tirés et les rides sont apparentes. Elle vieillit de plus en plus mais ce qui me rassure, c'est qu'elle a l'air d'être en pleine forme. Vu son tempérament, ça ne m'étonne pas.

- Tu es ici chez toi, Yoshiro. Tu restes autant de temps que tu le veux, en revanche, tu n'échapperas pas au ménage, je te préviens, avertit-elle en me servant une tasse de thé bien chaude.

Je souffle un peu sur le liquide chaud en grommelant dans ma barbe. Moi qui pensais qu'en quittant l'appartement du mafieux j'allais être libéré de toutes ces stupides obligations... C'est loupé.

- Oui, oui...marmonné-je.

Ma grand-mère s'installe en face de moi. Je la vois éplucher une pomme.

YakuzaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant