Chapitre 124

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Le temps me parait entrecoupé et les minutes se transforment en heures. Les flashs brûlent mes rétines à travers le tissu qui recouvre ma tête. Subissant des bouffées de chaleur, je suffoque sous le sac. Mes poignets sont reliés entre eux dans mon dos, maintenus par un scotch épais. L'inconfort de ma position me fait pousser des râles étouffés et ma tête heurte violemment le siège avant lorsque la voiture s'arrête d'un coup sec.

La gorge nouée, je me rends bien compte dans quelle situation je me trouve et pourtant je me sens incapable de riposter. Mon esprit n'aspire à aucune crainte, il est seulement tourmenté par l'absence de mes médicaments.

L'air frais s'engouffre à l'intérieur de l'habitacle et je prends une vive inspiration avant de me faire sortir sèchement de la voiture. On m'empoigne le bras d'une main ferme et mes pieds retrouvent le contact du sol. J'ignore où je me trouve et pendant combien de temps nous avons roulé. Je sais seulement que mes ravisseurs sont les ennemis du clan, c'est-à-dire Aleksander et toute sa clique. Un sentiment étrange s'installe au creux de mon ventre ; j'ai la sensation que tout va se terminer cette nuit.

Le scotch accroché à mes lèvres m'empêche de grogner lorsqu'on me force à avancer. Je manque de trébucher à cause du tremblement de mes jambes. Une odeur végétale s'infiltre dans mes narines et j'ai tout de suite l'impression de me trouver non loin d'une forêt.

Une forêt à Tokyo ? Impossible.

Les hommes qui me maintiennent baragouinent des phrases en Russe. Trainé sans ménagement, l'odeur de la végétation s'éloigne et au bout d'un moment, on me force à m'asseoir sur le sol, contre un mur.

Du béton.

Mon torse s'élève au rythme de ma respiration irrégulière et l'angoisse tord lentement mes intestins. Mon esprit est embrumé par ce flot d'informations et il me semble difficile de faire le point sur ma situation tant l'anxiété prend le dessus à cet instant. Dépourvu de mes sens, je ne peux que patienter sagement.

Assis en tailleur, j'abaisse la tête en fulminant intérieurement. Je m'efforce à rester stoïque bien que le sang-froid ne fasse pas partie de mes compétences. Au bout d'un moment, on me retire le tissu qui recouvrait mon visage et les suspensions clignotantes m'aveuglent un certain temps. Un œil entrouvert, le visage blême, j'affiche une grimace. Ma vision est trouble pendant quelques secondes puis, lorsque celle-ci se stabilise, je reconnais la silhouette d'Aleksander qui me fait face. Appuyé contre un vieux bureau en bois, il m'observe avec un air mutin sur le visage. Les bras croisés, il relève le menton en croisant mon regard paniqué.

- Le voyage s'est bien passé ? déclare-t-il dans un fort accent Russe.

Je fronce les sourcils en commençant à m'agiter mais les liens qui m'entravent m'empêche de bouger. Alors, je me contente de lui adresser un regard noir. Réalisant sa bêtise, il se redresse et lève les mains en l'air.

- Ah ! C'est vrai que tu ne peux pas parler. Excuse-moi, reprend-il en faisant signe à l'homme qui se trouve près de moi.

Son garde se penche sur moi et m'arrache d'un coup sec le scotch. Je pousse une longue plainte en écarquillant les yeux.

Ça fait un mal de chien !

Haletant et quelque peu fiévreux, je tire sur mes poignets en serrant les dents. Voir sa sale gueule de Russe me donne des pulsions meurtrières. Je n'ai pas oublié ce qu'il a fait à Saki. Ce qu'il a fait à tout le monde.

- Hé, tu n'as pas envie de faire la causette... ?

- Ferme-la fils de pute ! juré-je.

YakuzaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant