Yakuza

Chapitre 69

Ren

Lorsque je pousse la porte vitrée du salon de thé, je suis directement confronté à la délicieuse odeur de café qui se répand dans l'air. Le salon de thé est calme et les clients discutent entre eux autour d'une bonne tasse de thé fumante. Une petite musique d'ambiance s'émane d'un tourne-disque, posé sur une console scandinave.

Je balaye la salle du regard, à la recherche d'une tête que je connais bien.

Mes yeux le trouvent enfin.

Yoshiro.

Directement, un grand sourire se forme sur mes lèvres et je me précipite à sa rencontre. Il est assis sur un petit fauteuil, ses mains posées sur une tasse de café où la fumée s'en échappe. Il semble s'apercevoir de ma présence car il retire ses écouteurs et lève les yeux vers moi.

Ses si beaux yeux clairs où j'entrevois le reflet de mon âme, où je me plonge avec délectation m'ont terriblement manqué.

-          Excuse-moi pour le retard, j'ai eu du mal à me garer ! déclaré-je en m'installant à sa table.

Yoshiro me sourit légèrement. Il me tend la carte de l'établissement où plusieurs boissons sont proposées.

-          Ce n'est pas grave, je ne suis pas là depuis longtemps, m'avoue-t-il en prenant une gorgée de sa boisson.

Je l'observe en silence pendant quelques secondes, perdu dans mes pensées. Mes yeux dérivent sur ses cheveux bruns, toujours aussi ébouriffés. J'observe la forme de son nez, aussi mignon soit-il et la courbe de sa mâchoire. J'abaisse mon regard sur son cou délicat où je rêverai de poser mes lèvres et je m'arrête finalement sur ses doigts, où plusieurs bagues semblent reposer.

Il me plait. Il me plait tellement.

Depuis la première fois où j'ai posé les yeux sur lui, j'ai su que j'allais tomber amoureux. C'était inévitable.

Mais à mon grand désarroi, il semblerait que je ne sois pas le seul à avoir remarquer le charme particulier de Yoshiro. Je repense à cet homme que j'ai aperçu il y a quelques semaines, à la fête foraine. Il a forcé Yoshiro à le suivre et le ton qu'il employait à son égard ne me plaisait pas du tout. Il était autoritaire, strict, dominant.

C'est Tōji Kobayashi, un redoutable homme d'affaire. Je savais que j'avais déjà vu son visage quelque part, sans doute à la télévision et il est clair que sa réputation le précède. Cette aura puissante qui émane de lui, ce regard acéré... Je le vois encore attraper brusquement le bras de Yoshiro et mes membres se contractent. J'aurai dû m'imposer d'avantage !

Bon sang, que fait-il en sa compagnie ? D'où il le connait ?

-          Ren ? Ren ! m'appelle Yoshiro en posant une main sur mon bras.

J'étais tellement perdu dans mes pensées que je n'ai pas fait attention à la serveuse qui attend ma commande. Je passe une main derrière ma tête en esquissant un sourire gêné.

-          Excusez-moi... Je prendrais un expresso, dis-je doucement.

Le contact de Yoshiro m'envoie une décharge d'électricité. Je ferme un instant les yeux, la mâchoire contractée.

J'étais prêt à lui faire ma déclaration mais depuis que j'ai vu ce sale type à ses côtés, je ne suis plus sûr. Je ne suis plus sûr de rien.

Ils avaient l'air proche, terriblement proche... J'ai bien senti l'alchimie qui les liaient. Les regards qu'ils échangeaient et la façon dont ils se parlaient. C'était extrêmement familier, comme s'ils se connaissaient depuis toujours.