Mes écouteurs aux oreilles, je marche en direction du métro, les mains dans les poches et la capuche de ma veste rabattue sur ma tête. Les rayons du soleil traversent la ville et illuminent certaines surfaces notamment les flaques d'eaux qui ont dégelés. Le temps est plus doux mais dans mon cœur, il fait toujours aussi froid.
Je prends un carrefour et m'arrête à un passage piéton où le feu est rouge. Plusieurs personnes se postent à mes côtés en attendant leur tour de passage et malgré le monde qu'abrite la capitale, je ne sens qu'un seul regard sur moi. Ce regard qui ne me quitte pas depuis des jours et qui me poursuit jusqu'au seuil de ma porte d'entrée.
Et au lieu d'être envahi par la tristesse comme autrefois, je suis animé par la rage. Par la colère qui gronde dans mon être. C'est une émotion dévastatrice mais bien plus facile à gérer.
Alors que je passe au passage piéton et que je m'engouffre dans une ruelle étroite, je me tourne soudainement et plaque mon bras sur la trachée de l'homme qui me suit depuis de longues minutes. Il n'a pas cherché à être discret, il sait exactement ce qu'il fait.
Mes yeux d'ambres se confrontent aux prunelles grises qui m'observent avec surprise.
Tōji reste interdit, le dos collé contre le mur en brique. Il ne cherche ni à me repousser ni à bouger. Il se contente de m'observer et directement, son visage s'adoucit. Je distingue le chagrin dans son regard sombre.
Je ne plierai pas. Pas après tout ce qu'il m'a fait.
- Tu vas continuer à me suivre pendant longtemps ? Le rôle de stalker, ça ne te va pas, claqué-je en forçant ma prise sur sa gorge.
- Tu as maigri, souffle-t-il.
J'émets un rire nerveux, exaspéré par sa réponse qui n'a pas lieu d'être.
- Arrête de me suivre et retourne à ton monde d'affaire. Les journalistes t'attendent ! balancé-je en reculant.
Sans douceur, je retire mon bras et secoue la tête. Mes yeux dérivent sur ses vêtements, sur sa posture. Ils s'appliquent à scruter le moindre détail. Tout afin d'éviter de croiser son regard.
- Je dois te parler. Je te dois des explications... Après deux ans... tente-t-il.
- Me parler ? Tu m'as déjà tout expliqué dans ta lettre. Les choses ne peuvent pas être plus claires. Je l'ai bien compris, ne t'en fais pas.
- Je n'ai jamais voulu en arriver là, gronde-t-il en décollant son dos du mur.
Son long manteau noir recouvre l'entièreté de son corps. Il porte des gants et une écharpe grise est enroulée autour de son cou. Je me racle la gorge, l'estomac dans tous ses états.
- Pourtant, c'était ta décision. Tu n'as jamais été du genre à avoir des remords alors pourquoi culpabilises-tu ? Deux ans se sont écoulés. J'ai tourné la page, raillé-je en laissant un rictus déborder sur mes lèvres.
- Discutons. Cela n'a pas été une partie de plaisir pour moi de te quitter.
- Comment ? Tu me dis que c'était difficile ? Oh ! Pauvre Tōji ! Je suis sincèrement désolé... Si j'avais su, j'aurais apporté des mouchoirs, proclamé-je en faisant une petite moue.
La colère. La haine. L'indignation. La rancœur. Oui, enveloppez-moi et prenez le dessus.
- Yoshiro... ! s'étrangle-t-il en attrapant mon bras.
Bien que son gant recouvre ses doigts, je ressens la chaleur de son corps qui tente de glisser contre ma peau. Un frisson me traverse et je retire brusquement mon bras.
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Yakuza
Roman d'amourYakuza [ BxB ] Yoshiro Tamura est un jeune homme de vingt-trois ans. Récemment arrivé à Tokyo, il se démène à joindre les deux bouts pour survivre dans cette ville dense. Enchainant les petits boulots, il va se retrouver finalement mêlé à un monde s...