Chapitre 77

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Tōji

Depuis le rituel de yubitsume, Yoshiro dépérit à vue d'œil. Malgré sa brève confrontation avec Isao, je le sens toujours aussi maussade. La tristesse et la colère se sont envolées mais une indifférence sans nom a pris place dans son esprit.

J'essaye de faire mon possible pour rester à ses côtés mais le travail m'appelle et je me vois souvent obligé de m'absenter. D'autant plus que mon amant semble insensible à ma présence. Il passe le plus clair de son temps enfermé dans sa chambre et à force, je maudis cette porte qui nous sépare.

Comme à peu près chaque soir depuis une semaine, je rentre à l'appartement et retire mon manteau dans un soupire las. S'il n'y avait que Yoshiro qui me causait du souci, je me dirai que c'est le cycle de la vie mais avec les Russes sur mes côtes et ce foutu Ryo Suzuki dans mes pattes, je commence sérieusement à saturer.

Grâce à mon anticipation sur le trafic de stupéfiants, je n'ai plus à me soucier des investigations que Ryo tente de me soumettre. Ce vieux renard tente de creuser sur mes clubs, de s'informer sur mes activités légales. Il est prêt à tout pour me faire tomber de mon piédestal. Il n'a pas encore conscience que j'ai plus d'un tour dans mon sac et que ces actes vont lui coûter cher.

Concernant les Russes, ils se font étrangement silencieux ces derniers-temps. Je pense que notre confrontation à Okinawa a calmé le chef car j'ai éliminé ces sous-fifres. Néanmoins, je n'oublie pas qu'ils peuvent agir à tout moment. Je sais que mes terrains les intéressent. Ce bâtard de Seungho Yoon a délibérément vendu la mèche sur mes cargaisons de cocaïnes. Lui aussi, il a subi les conséquences de ma colère. À présent, son corps se décompose, enseveli sous un bloc de béton.

Je ne lâcherai jamais l'affaire lorsque cela concerne mes ennemis. Je sais de quoi ils sont capables et c'est pour cela que je m'efforce de protéger Yoshiro même s'il ne cautionne pas ma hargne à ce sujet. Il est innocent et trop insouciant. Pour autant, il s'est pris une sacrée claque avec Isao. Je pense qu'il n'accordera plus sa confiance aussi facilement et se méfiera un peu plus des gens, surtout lorsqu'il les mettra en colère.

C'est un mal pour un bien.

Les membres tendus par cette journée épuisante, je retire mes chaussures dans le vestibule et marche vers le salon. La télévision est allumée et j'aperçois la silhouette du jeune homme étendu sur le canapé. La table basse est garnie de bouteille de bières vides, de sachets de chips ouverts et de cannettes de sodas entamées. Je m'arrête un instant et balaie la grande pièce de mes yeux acérés. La maison n'est pas spécialement sale mais Yoshiro ne s'applique pas à nettoyer comme au début. Également, le repas n'est pas prêt alors j'en conclus qu'il a aussi abandonné la cuisine.

De toute manière, en ce moment, il abandonne tout. Je devrai m'estimer heureux qu'il s'alimente même si cela veut dire qu'il se jette sur la malbouffe.

Je pousse un soupire tout en massant l'arête de mon nez, lassé par son attitude enfantine. J'ai l'impression d'avoir un adolescent à mes côtés et de devoir constamment lui remettre les pendules à l'heure. Certes, ce n'est pas pour me déplaire. J'aime l'idée de le malmener.

Je m'approche lentement du canapé et me penche suffisamment pour lui retirer le paquet de chips qu'il tient dans les mains. Aussitôt, il lève la tête et fronce les sourcils en voyant mon visage.

-          Hé ! Rends-moi ça, s'exclame-t-il en se redressant légèrement.

Des miettes se sont éparpillées sur son t-shirt et il n'a même pas prit la peine d'enfiler un pantalon, préférant trainer en caleçon. Je plie correctement le sachet en plastique tout en le dévisageant.

YakuzaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant