Chapitre 21

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Tōji

La lumière du plafond clignote par à-coups, adressant quelques instant sombre à la pièce dénuée de fenêtre. Les murs regorgent d'humidité et l'odeur âcre me prend aux tripes.

Ce sous-sol me répugne au plus au point mais je n'avais que ça sous la main.

En soupirant, je relève les manches de ma chemise puis enfile des gants noirs tout en gardant mes yeux posés sur Ji-Ho, le Coréen qui m'a trahi.

Il n'a pas bonne mine, assis sur sa chaise en bois, les poignets et chevilles ligotés. Je pourrais presque ressentir de la pitié lorsque je vois ses cernes violettes et sa mâchoire gonflée dû aux coups qu'il a encaissé. Mais il n'en n'est rien. Je ne ressens rien pour les traîtres.

-          Alors... dis-je en tirant une chaise pour la ramener en face du Coréen.

Je m'y assois à l'envers et pose mes avant-bras sur le dossier. Mes yeux gris se plantent sur son apparence délabrée, sur sa chemise déchirée et sur son visage esquinté. Mes hommes ne l'ont pas loupé. Ils en avaient assez de lui courir après dans tout Tokyo, et ce depuis la confrontation à Kawagoe. Il aurait mieux valu qu'il continue de courir car désormais il en sera incapable.

-          ... Es-tu prêt à parler, Ji-Ho ?

Cela fait à peu près deux jours qu'il n'a pas dormi et malgré le fait que mes hommes l'affame et le déshydrate, il ne lâche rien. Il est muet comme une tombe.

Le Coréen relève ses yeux ternes sur moi, me regardant avec peu d'intérêt. Je dois bien avouer qu'il a un mental d'acier et que c'est une qualité qui me plait.

-          Je n'ai rien à dire, souffle-t-il doucement en observant ses pieds.

-          C'est fâcheux. Vois-tu, je me retrouve dans une situation délicate. A cause de toi, je risque de perdre mes biens. Pire encore, ils vont être volé par ton supérieur. Cela ne me plait vraiment pas.

-          C'est fort dommage... 'Oyabun', réplique Ji-Ho en relevant ses yeux vers moi.

Un rire étouffé sort de ma bouche, totalement dénué d'humour. Je me relève de ma chaise et arpente la pièce, mes mains placées dans le dos, l'air songeur. Oui, fort dommage...

-          Ian, il est tout à toi, déclaré-je à mon homme de main.

-          Avec plaisir, monsieur.

L'Américain attrape une pince qui se trouvait sur une table de fortune où plusieurs outils trônaient, attendant qu'on les utilise. Tandis que mon homme de main commence à arracher un premier ongle au Coréen, je m'allume une cigarette. L'odeur de la nicotine couvrira partiellement la puanteur du sang.

Ji-Ho ne tarde pas à hurler de douleur, se tordant sur sa chaise. Ses yeux s'écarquillent au point qu'ils menacent de s'échapper de leurs orbites. Ian lui arrache un second ongle tout en gardant une expression neutre.

J'ai recruté ce gars lors d'un voyage en Europe. Ancien militaire, il subissait encore les conséquences de la guerre, tentant de soigner son stress post-traumatique. Avant, il massacrait des gens sans réel but propre, aujourd'hui je lui en ai donné un.

Adossé contre la table, dans une posture paresseuse, j'observe la scène tout en fumant ma cigarette.

-          Il suffit, dis-je en recrachant de la fumée. Alors, mon petit Ji-Ho, désires-tu délier ta langue à présent ?

Le Coréen tente de reprendre son souffle. Les larmes ont jailli si vite et si fort qu'elles ravagent son visage pâle. Il émet de long grognement douloureux, les mains crispées. Le sang coule le long de ses doigts et vient s'écraser au sol, tâchant le béton mal entretenu.

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