Sans compassion, l'imberbe jeta le pistolet par-dessus son épaule. Qu'on le récupère ou non ne le tracassait pas, il pénétra tel un loup affamé dans la grande salle. Prompte, sa meute se déploya autour des convives, les parqua comme du bétail. Rapides. Efficaces. Disciplinés. Malgré leurs vêtements en toile grossière, Celtica comprit qu'il ne s'agissait pas tout à fait d'amateurs.
— Gardes ! Arrêtez-les ! tonna Jesd.
Les soldats présents dans la pièce lancèrent l'assaut. Nonchalant, l'homme au cou de taureau dégaina ses cimeterres, alors que les autres, nerveux, se jetaient déjà dans la bataille. Les cris et le fracas des armes emplirent la pièce comme un nouvel être vivant, dépourvu de la moindre raison. À travers la toile du tumulte et du chaos, Celtica aperçut une dame s'évanouir et un gentilhomme fausser compagnie à son épouse et ses enfants. Écœuré, il serra plus fort la main de son père. Pas question de céder à son tour à la créature mérénienne [1] qui lui tordait l'estomac !
Plus fougueux que les assaillants, son cœur affolé se jetait avec rage contre sa poitrine. Son crâne martelait une cacophonie qui effrayait et dispersait ses pensées. Accroupis comme tous les autres, il ne pouvait que constater sa terrible impuissance. Cependant, il ne s'avouait pas encore vaincu. Il s'efforça de ralentir sa respiration et se concentra sur l'énergie erratique tapie au fond de ses entrailles. À force de légères contractions abdominales, il parvint à prendre le contrôle du flux et le dirigea vers sa poitrine. Une chaleur intime, réconfortante, se déversa dans ses veines, le brouillard paralysant se dissipa.
Il aborda la situation d'un œil neuf.
Véhémente mer déchaînée, les envahisseurs hardis plongeaient, engloutissaient, emportaient les soldats arcans. Le raz-de-marée n'épargnait personne. Celtica ignorait si les soldats au sol étaient vivants ou morts, il n'y avait que l'éclat du sang et le rugissement du fer. Les digues qui les protégeaient des vagues tempétueuses cédaient les unes après les autres, alourdies par leur imposante armure d'apparat. Combien de temps, avant qu'ils se noient tous ? Près du prince, Faranan gémissait et implorait tous les dieux de bien vaines prières. Et si les dieux préféraient l'impétuosité des eaux ?
Le tumulte précipita Celtica dans la perplexité. Les flots déments contournaient l'îlot de la noblesse sans leur jeter le moindre regard. Étaient-ils un butin à conquérir ? Les mains serrées autour de celles de son père, il se préparait mentalement à un affrontement, fourbissait ses sens. Il résisterait, nagerait de toutes ses forces pour sauver son père de la noyade. Les pleurnicheries alentours l'irritaient et gâchaient sa concentration. Lorsque les vagues changeraient de trajectoire, il ne serait pas prêt !
Mais où se trouvaient les soldats impériaux ? Une troupe d'une quarantaine d'hommes bien entraînés, veillaient sur eux, ici, au château. Comment ces hommes avaient-ils pu leur échapper ? Son meilleur ami et garde du corps personnel figurait parmi les quatre cadres ! Il refusait de croire qu'ils avaient été moins efficaces que ces soldats accoutrés pour les parades. Peut-être n'étaient-ils retardés que par un petit contretemps, ils surgiraient à leur rescousse, d'une minute à l'autre... Mais l'invincible Ordre Zodiacal ? Pourquoi les démons n'intervenaient-ils pas ?
Puisque l'attention des envahisseurs n'était pas tournée vers eux, pouvait-il se frayer un chemin à travers l'onde ? Les portes de la salle du bal n'étaient pas si éloignées, et son cœur gonflé du flux magique saurait lui offrir un peu de temps... Son père ne pourrait pas courir très longtemps, peut-être parviendra-t-il à contenir les flots... Comme en transe, le jeune homme poussa sur ses jambes, se leva prudemment. Soudain, une force inattendue le plaqua au sol, il poussa un cri de surprise.
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Le Chant des Astres - Tome 1 : Le Verset du Feu
FantasyDe l'autre côté de la voûte céleste Chantent les étoiles. Elles content une querelle millénaire qui oppose les dieux. Une fabuleuse épée, Ironie, est au centre de toutes les préoccupations, car son nom est synonyme de destruction. Pour retarder l'in...