La lame brillante du rasoir caressait en douceur ses joues. Ses vêtements de soie, vermillon, cherchaient encore leurs places, chassaient leurs plis insolents. Ses cheveux adoptaient un lustre délicat sous les assauts d'une brosse en poils de sanglier. Ses pieds se satisfaisaient d'un cuir souple et luisant. Patiemment, Celtica laissait Vlad, Fédra et Telnim voleter autour de lui comme autant de moustiques.
Assise devant lui, Cléon l'observait, mi-amusée, mi-admirative. Un peu plus, et elle le dévorerait du regard ! Toutefois, ses tourments retenaient les piques incisives qu'elle lui lançait d'habitude. En plus de l'emprisonnement troublant de son père, mesurait-elle le fossé, non, le monde qui les séparait ? De crainte que quelque chose se concrétise, ils évitaient avec le plus grand soin d'évoquer l'avenir. Même s'ils se prenaient dans les bras ou la main, discrètement, ils ne pouvaient rien espérer.
— Qu'est-ce que tu en dis ? demanda Fédra à la jeune fille. Il est beau comme ça, non ?
Celtica résista à l'envie de tâter ses cheveux. Le maître d'armes n'avait pas encore terminé d'ajuster ses habits et Vlad continuait son œuvre sur son visage.
— Il va faire fureur devant Jesd, répondit-elle. Et il se pourrait même que Hayne craque pour lui, s'il le voyait !
Mais le cœur lui manquait. Elle ne faisait que singer sa bonne humeur habituelle, comme glacée, en proie à une tempête dont elle ne pouvait se libérer par la parole. S'ils avaient été seuls, il aurait été plus simple de l'interroger. Mais ici, parmi tant d'inconnus, il n'obtiendrait rien.
Les soldats et les deux femmes mercenaires observaient en silence le prince. Une lueur de fierté brillait au fond de leurs yeux, il savait qu'ils le suivraient jusqu'au bout, quelle que soit l'issue de cette entrevue. Avec leur soutien, rien ne lui serait impossible ! Les deux femmes et Cléon portaient une robe des plus classiques en Arcane, afin de passer inaperçues dans les rue de Nar'y. Hélas, aucune ne paraissait crédible dans le rôle de simple citadine. Plus mal à l'aise les unes que les autres, elles conservaient une attitude revêche, indocile, qui les trahirait à coup sûr. Mais elles ne voulaient rien entendre, persuadées de la fiabilité de leur déguisement.
Les hommes avaient revêtu leurs armures d'apparat, bien décidés à faire honneur à leur prince. La force diplomatique résidait parfois dans les beaux atours et, à défaut de convaincre, Celtica espérait tourner l'attention de son illustre interlocuteur sur la cause lumissienne. Il regrettait de ne pouvoir approcher Hayne, qui serait sans aucun doute plus ouvert à la discussion. En outre, il était également en charge du problème rebelle et il gérait seul l'affaire. Ses réponses seraient pourtant essentielles pour comprendre l'attaque et son renoncement aussi soudain qu'incompréhensible. Il fallait aussi évoquer Eickœs. Savait-il qu'il possédait un morceau d'Ironie ? Si tel était le cas, les relations entre leurs deux pays pourraient en pâtir. Mais le Brasien voulait régler la situation en bonne intelligence. À quoi bon de nouveaux conflits ? En toute chose, la clef résidait dans le dialogue.
— Voilà ! lança enfin Vlad. C'est quand même mieux ainsi. Il faudra que je t'apprenne à le faire seul, cela pourrait t'être utile. Surtout en pareille situation !
N'y tenant plus, le prince passa sa main sur sa joue, soulagé de la retrouver lisse. Il détestait ressembler à un sauvage ! Ses cheveux lui parurent plus longs également, mais il s'en occuperait plus tard. Il restait présentable et c'était bien là l'essentiel.
À son tour, Telnim recula de quelques pas pour contempler son travail. Cette tenue se composait d'un pantalon ample blanc, de deux sortes de tunique vermillon croisée devant, et d'une longue veste sans manches, rouge, qui tombait presque jusqu'à ses chevilles. Une bande de cuir frappée de motif de feu la serrait à la taille. Réservée au prince et aux rencontres officielles, Celtica ne portait que très peu ces vêtements. Ses manches amples et lestée de petites perles de jaspe rouge tombaient jusqu'au milieu de ses paumes et conférait à ses mains une grâce juvénile qui ne touchaient pas à l'innocence, mais à la pureté.
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Le Chant des Astres - Tome 1 : Le Verset du Feu
FantasíaDe l'autre côté de la voûte céleste Chantent les étoiles. Elles content une querelle millénaire qui oppose les dieux. Une fabuleuse épée, Ironie, est au centre de toutes les préoccupations, car son nom est synonyme de destruction. Pour retarder l'in...