43 Les dames du Néöfrä (3/3)

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     Se jouer des gardiennes se révélait un peu plus délicat. Quatre postées à l'entrée et une à chaque angle, elles surveillaient les allées vides. Mais elles n'imposaient pas de réels obstacles. Coxa se ramassa sur lui-même, aspira à lui l'énergie disponible, lentement, sans créer de trouble dans l'air. Malgré leur perception magique, elles ne le détecteraient pas. Lorsque son être déborda d'énergie, il se fondit dans les ombres et se conçut une coquille éphémère qui le soustrayait aux lois de l'univers. La lumière le traversait et ne l'exposait pas. Un des rares privilèges de son état de démon.

     Plus sommaire encore que la tente attribuée au marquis et au maître d'armes, celle du prince se limitait à un unique poteau et une paillasse sur laquelle il ne pouvait même pas s'allonger. Le futur empereur se tenait là, assis, les mains relevées derrière son crâne et attachées au pilier. Sa tête pendait mollement sur sa poitrine, des marques rouges étranglaient son cou princier. Ses cheveux se constituaient en paquet gras et sales, tiraient sur un brun terne. Un bandeau noir et opaque recouvrait ses yeux, sa bouche entrouverte montrait quelques signes de déshydratation. Les joues creuses et le teint cireux, il semblait au bout de ses forces.

     Coxa s'approcha de lui, étendit sa perception magique. Il visualisa pour la première fois sa ligne qui palpitait faiblement. Son aura semblait se heurter à un mur invisible, dès qu'elle enflait, elle rebondissait et se ruait dans le corps de son propriétaire, déchirant ses chairs. Les plaies demeuraient mineures et invisibles à l'œil nu, mais elles l'épuisaient. D'un point de vue général, il manquait de tout : de sommeil, de nourriture, d'eau, de chaleur.

     Ainsi laissé, ses geôlières n'avaient nulle intention de le considérer comme un hôte de marque. Il n'était qu'une proie, une prise inespérée. Elles le dépèceraient dès que l'occasion se présenterait. Le Lion remarqua les gemmes alchimiques serties dans son collier, elles expliquaient l'étrange comportement de son aura. Le collier et les traces qu'il laissait n'étaient pas les seules décorations qui agrémentaient son cou. Une masse magique obstruait sa gorge, mais elle ne l'empêchait ni de respirer, ni de déglutir. De part sa nature élémentaire, le vent, elle agissait probablement sur le son. Elle n'endommageait pas ses organes, c'était déjà un début.

     Le démon tapota l'épaule du jeune homme qui se réveilla en sursaut. Sa poitrine se gonflait et se dégonflait à une vitesse vertigineuse, la panique nuirait à son corps. Il articulait des cris, peut-être même des insultes inaudibles.

     — Votre Altesse, c'est moi. Coxa, le Lion.

     Aussitôt, il cessa de s'agiter et se tourna dans la direction de sa voix. Le démon repéra une vilaine coupure sur sa joue. Les Walkyries se montraient-elles cruelles, ou bien s'agissait-il d'une blessure accidentelle ? Celtica articula un mot, en brasien. Le pauvre se réfugiait dans sa langue natale, trop perturbé pour choisir la commune.

     — Les Noblargent sont connus pour être de bon magicien, elles ne veulent courir aucun risque. Plus vous serez à bout de force, moins vous leur poserez problème.

     Il réclama à boire. Coxa regarda autour de lui, mais ne vit nulle eau. Elles avaient pensé à tout !

     — Je suis navré, il n'y a rien ici. Je peux essayer d'en chercher...

     Il secoua la tête. Il craignait qu'il soit découvert en train de fureter dans tous les recoins et mette à mal son opération de sauvetage. Aucune chance ! Jamais les guerrières ne soupçonneraient de sa présence. Celtica articula de nouveau.

     — Elle va bien. Je l'ai laissée à l'extérieur du camp, elle se repose. Vlad et Telnim se portent mieux que vous, Fédra, Jàvöna et Nasha préparent un plan pour les libérer. Par contre, votre liberté à vous nécessite plus de préparation. Je suis venu étudier nos possibilités. Oui, j'ai bon espoir. Nous nous éloignons un peu du sanctuaire, mais pas tant que cela. Dans quelques jours, quatre, pas davantage. Je sais, mais je ne commande pas encore au temps ! Ancha aurait été meilleur pour cette tâche... Mais il refuse de rencontrer les Walkyries. Sabik lui-même. Votre Altesse, je sais que vous débordez de questions, mais nous ne disposons pas de temps !

Le Chant des Astres - Tome 1 : Le Verset du FeuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant