Celtica soupira. Ces jours passés aux côtés de son amie avaient été délicieux. Il avait craint que la quiétude de cette maison ne passe pour de l'ennui après son long séjour à Térrà Nâèm, mais il n'en était rien. Tout lui semblait simple, facile. Loin des soucis, loin des responsabilités. Ils mangeaient rarement seuls, Kwen venait presque tous les soirs, et Falmin le reste du temps. Parfois, ils accueillaient les deux en même temps. Il aimait cette vie modeste et franche, plus intime qu'à la cour où le moindre petit secret finissait par éclater au grand jour.
Le partage de la maison d'Aljinan avait bien évidemment fait jaser dans la cité. Le venin d'Akhel avait donné des plantes plus vivaces que les sapins en hiver. Leurs racines sournoises s'étendaient vite, les couper se révélait même impossible. Pire encore, la moindre tentative de défense ou de justification agissait comme un puissant terreau. Les plantes s'enracinaient fermement et grossissaient jusqu'à atteindre une ampleur inouïe.
Si Celtica, rodé par l'exercice, n'y prêtait guère attention, il n'en allait pas de même pour Cléon, que chaque remarque, chaque geste blessait. Puisqu'elle était la fille d'Aljinan, tout le monde attendait d'elle un certain comportement, une attitude exemplaire. C'était injuste et hypocrite, surtout à Port Lumis ! Enfin, il n'y pouvait rien, malheureusement.
Après l'attaque, il lui semblait qu'on la considérait autrement. Une bonne poignée de pères et de mères avait défilé devant sa porte dans l'espoir de conclure un marché. Une sorte de mariage, en somme. Un arrangement cruel, qui ne tenait compte ni de ses envies, ni de sa maladie. C'était lui offrir une promesse qui ne serait jamais tenue.
De plus, Celtica les avait tous vu, aucun de ces soi-disant prétendants n'était assez convenable pour elle.
Les craquements dans l'escalier lui indiquèrent que son amie revenait... et dissuadèrent ses doigts de poursuivre leur quête vers les douceurs alanguies sur la table. Cléon s'arrêta et le dévisagea, soupçonneuse.
— Promis, elles sont intactes ! se défendit-il.
Elle n'ajouta pas un mot et s'approcha des tartes, les inspecta scrupuleusement. Elle parut même un peu déçue.
— Bien, il ne reste qu'à les apporter à Falmin, et le reste de la journée est à nous !
— Il va être ravi.
— Débordé, surtout ! Comme je te l'ai dit, on apporte tous un petit quelque chose, mais il gère presque seul l'un des points de restauration. D'habitude, je lui donne un coup de main, mais cette année, j'ai envie de m'amuser un peu !
— Tu ne le faisais pas, les années précédentes ?
— Je ne pouvais pas. Mon frère, mon père... Tu sais.
— Rassure-moi, il n'y a rien de dangereux, au moins...
— Rien pour toi, mais pour moi...
Aljinan exagérait. Elle pouvait tout à fait manipuler un couteau sans se blesser, la preuve, il le lui avait appris ! Bon, elle restait hésitante et tenait son couvert comme un nouveau-né, mais elle pouvait enfin se nourrir sans être infantilisée.
Alors qu'elle remettait son écharpe, Celtica nota, non sans surprise, la couleur qu'arborait cette tunique en laine qui dissimulait mal ses courbes. Un rouge cerise. Sa couleur préférée. C'était sans doute le fruit du hasard, mais il ne pouvait s'empêcher de se troubler. Fort heureusement, elle fit disparaître ce vêtement sous son long manteau et s'empara de deux des cinq tartes.
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Le Chant des Astres - Tome 1 : Le Verset du Feu
FantasíaDe l'autre côté de la voûte céleste Chantent les étoiles. Elles content une querelle millénaire qui oppose les dieux. Une fabuleuse épée, Ironie, est au centre de toutes les préoccupations, car son nom est synonyme de destruction. Pour retarder l'in...