25 Toavec moa (3/4)

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     Le réveil fut douloureux.

     Celtica peina à ouvrir les yeux, le crâne en charpie. Il contempla les poutres, le dessous du toit. Il était de retour dans la cabane qu'il occupait avec Aljinan.

     — Elle te l'a dit. Et t'as pas obéi.

     Le jeune homme tourna la tête, curieusement soulagé d'entendre cette voix qui faisait trembler bien des hommes. Il n'y avait aucune chaleur, aucune émotion, aucun jugement. Il énonçait des faits. Simple, précis. Redoutable. Celtica posa une main sur son front brûlant. Le monde tournoyait autour de lui, moqueur. Il grogna et ferma les yeux.

     — Oh non, gamin, tu vas pas t'en sortir comme ça !

     Aljinan quitta la pièce où il étudiait ses livres et se rapprocha du jeune homme à pas déterminés. Il le redressa d'un coup, le prince lâcha un hurlement de douleur. Son crâne allait exploser ! Il passa sa grande main derrière sa tête, de façon à la maintenir bien droite.

     — Bois !

     Celtica obéit sans y réfléchir à deux fois. Il reconnut aussitôt l'eau que consommait Arkh. Elle le rafraîchit et apaisa le tambour qui se déchaînait dans sa tête.

     — Là, voilà... Vas-y doucement.

     Sa main ferme témoignait d'une triste habitude. Il s'occupait sans doute ainsi de sa fille, lorsque sa maladie la tourmentait. Le Brasien pouvait l'imaginer sans peine passer ses nuits à la veiller, à prier tous les dieux pour qu'elle survive. Non. Aljinan n'était pas homme à prier. S'il le pouvait, il irait directement secouer Mérénos dans son domaine pour qu'il la laisse tranquille.

     Et là, il s'occupait de lui, paternel. Le parallèle qu'il créa entre lui et Cléon le troubla. Il se tortilla un peu pour échapper à la poigne de fer de l'imberbe, mais celui-ci le clouait sur place.

     — Hé ho, le zigoto ! Tu veux bien rester un peu tranquille ? Tu vas t'faire mal !

     — Laisse-moi... Je veux...

     — Je m'en fiche de c'que tu veux ! Un malade a pas son mot à dire !

     — Mais je ne suis pas malade...

     — C'est tout comme !

     Celtica ne percevait aucune colère dans sa voix. À la rigueur, une légère inquiétude, qu'il s'efforçait de dissimuler. Le chef de Port Lumis ne montrait que rarement ce type d'émotions.

     Après l'eau, il lui fit déguster les fameux coquillages pour lesquels il s'était exposé au danger. Charnus et grillés, ils fondaient en bouche en déposant une douce saveur, à peine sucrée. Faciles à mâcher, ils ne participaient pas au concert de percussions qui se donnait dans son crâne. Ses forces revenaient progressivement, il pouvait même sentir ses couleurs réapparaître. Il fut bientôt assez fort pour se tenir assis.

     Celtica constata, honteux, l'absence de ses vêtements. À son grand soulagement, une couverture reposait sur ses hanches. Il décréta qu'à compter de ce jour, plus jamais il ne se découvrirait devant personne !

     Aljinan fit glisser sa natte à côté de lui et s'y installa en tailleur, posa son coude dans le creux de sa paume. Sa décontraction rassura le prince qui en profita pour prendre une position plus confortable. Il s'étonna qu'il fasse nuit, il écouta avec délice les stridulations joyeuses des insectes. Il accueillit la quiétude, ravi de respirer encore.

     — Tiens, bois encore un peu !

     Celtica accepta l'outre.

     — Pourquoi me fais-tu boire autant ? Je n'ai plus soif !

Le Chant des Astres - Tome 1 : Le Verset du FeuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant