47 Foyer amer et doux au revoir (2/3)

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     Ils débouchèrent sur une grande forêt glacée. Le contraste radical avec celle du sanctuaire les prit par surprise. De printemps, ils retournaient en hiver. Les hêtres laissaient leur place aux grands résineux, les congères succédaient aux violettes. Le froid saisissant leur coupait le souffle, les obligeait à reprendre écharpe et gants.

     — La cité n'est plus très loin, les informa Risha. Dépêchez-vous, Votre Altesse, j'ouvrirai un nouveau portail...

     — Non, Cléon nous ramènera à Estalis. Le... Le ciel me paraît moins dangereux que la voie des dieux.

     — Mais...

     Coxa posa la main sur l'épaule du Poisson. Un regard, et le musicien abdiqua.

     — Dans ce cas, nous rentrerons les premiers, dit le Lion. Profitez du voyage. Maître Demjak ?

     — Ma jambe et mon bras sont en très mauvais état, il faudrait me mener à un médecin rapidement, mais j'ignore comment vous allez me transporter.

     Malgré son calme apparent, la souffrance le marquait profondément. Les tendons de son cou saillaient, le sang affluait sous la peau de son visage, la rougissait. Pourtant, Telnim ne lâchait pas une plainte. Il serrait dans ses poings les pans de son manteau, si fort qu'il s'en blanchissait les jointures.

     Celtica se tourna vers les démons.

     — Y a-t-il un moyen de le transporter jusqu'à Estalis ? Le voyage en vaisseau serait trop long...

     — Si nous pouvions garder le traîneau, je remplacerai le bœuf, répondit le Lion.

     — Faites.

     Le prince sortit de sa bourse les dernières pièces de leur voyage et les remit aux démons. Elles devraient suffire à convaincre le propriétaire de Tramo de leur céder l'attelage. Quant à eux, ils prendraient la direction de l'aérogare.

     — Maître, veuillez garder Ironie avec vous, poursuivit Celtica. Je souhaiterais qu'elle retrouve la sécurité du palais au plus vite, qui sait ce qui pourrait encore arriver avant notre retour.

     — Êtes-vous sûr de préférer le ciel ?

     Celtica frissonna à l'idée de croiser à nouveau un dieu. Mérénos pourrait changer d'avis et décider de l'accueillir dans son royaume. Personnellement, il n'y tenait pas, le maître de la mort n'était pas un hôte des plus patients. Il acquiesça et tous se remirent en route, dans un silence glacé.

     Les arbres succédèrent aux congères, les congères aux arbres. Peu à peu, ils se rapprochaient de leur dernière étape. Leur dernier voyage. Une douleur lancinante étreignit Celtica lorsqu'il y pensait. Ironie était enfin à son bras, mais le plus difficile restait à faire. Cléon. L'idée de la séparation, qu'il espérait courte, lui donnait presque la nausée. Il n'osait plus lui parler, ni la regarder, comme si son image se déliterait au moindre contact. Comme s'il se réveillerait d'un rêve.

     Il repensa à Aljinan et adressa une rare prière aux dieux dans l'espoir qu'ils le protègent. Une bien vaine habitude, les dieux ne s'intéressaient plus aux mortels depuis fort longtemps. Néanmoins, il y trouva une illusion de réconfort. Convaincre le conseil impérial de le sauver relèverait du miracle ! Alors, pourquoi ne pas essayer ?

     Une main se glissa dans la sienne, il chassa ses réflexions. Il ne voulait pas laisser à sa tendre amie le souvenir d'un homme amer. Il voulait savourer cet instant, jusqu'à la toute fin. Il se tourna vers elle et sourit. Qu'elle était belle, avec ses yeux d'ambre, volontaires et pugnaces ! Son courage l'avait surpris à maints reprises, forgé son admiration. Après tant de sacrifices, tant d'efforts, il serait si injuste qu'on la prive des êtres qui lui étaient chers !

Le Chant des Astres - Tome 1 : Le Verset du FeuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant