09 Confession au coin du feu (1/3)

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     Et la pluie se mit à tomber.

     Celtica donna un nouveau coup de talon à sa monture, puisant toujours plus dans son endurance. Il fallait mettre autant de distance que possible entre eux et les Arcans : il s'agissait tout de même de Hayne ! Selon toute vraisemblance, il ne pouvait ne pas avoir reconnu Cléon. La jeune fille le serrait très fort, il pouvait se concentrer sur la chevaucher sans s'inquiéter pour elle. Sa chemise trempée de pluie, de sueur et de sang lui collait à la peau, et exhalait une odeur pitoyable. Il la perdrait sans doute pour de bon, mais tant pis ! Il passa les rênes dans sa main droite pour poser la gauche sur celles de son amie. Il n'aimait pas la savoir derrière lui, surtout avec les mouvements brusques du cheval.

     L'apparition de Sabik l'avait vraiment surpris, mais en y repensant bien, son père l'avait sans doute choisi pour le protéger. Le chef de l'Ordre Zodiacal en personne ! Le seul dont il ignorait le visage. Sa présence le mettait mal à l'aise, mais à ses côtés, il se savait en sécurité. Sabik était compétent, mais pas très expansif... Enfin, il valait mieux Sabik que personne !

     Le prince jeta un coup d'œil par-dessus son épaule dans l'espoir de voir le démon, mais personne ne les suivaient. Pas même les soldats. Il décida alors de ralentir drastiquement l'allure, afin de soulager leur pauvre monture. De plus, la pluie pourrait la faire glisser, et la blesser. Ils s'étaient enfoncés dans les bois pour éviter la route, et ils ne devaient plus se tenir très loin de la frontière.

     Celtica mit pied à terre et aida son amie à descendre à son tour.

     — On s'arrête ? demanda-t-elle.

     Elle tremblait. Ah, elle aurait dû manger quelque chose ! Il pensa soudainement à la part de tarte qu'il lui destinait et qu'il gardait dans sa sacoche. Le transport l'avait certainement malmenée, mais elle en resterait pas moins savoureuse ! Avant tout, il fallait bander ces jolies mains, avant que ses blessures n'empirent et n'entraînent de plus fâcheuses complications.

     — Nous allons attendre Sabik, et Rivalis a besoin d'un peu de repos. Et regarde l'état de tes mains !

     — J'ai dû me blesser en fuyant. De toute façon, c'est l'armure vivante qui a le matériel de soin...

     Celtica n'hésita pas une seconde. Fichue pour fichue, il attrapa la dague de la jeune fille, et s'en servit pour arracher deux morceaux de sa chemise, hélas sans manches. Elles auraient été plus pratiques, mais bon ! Faute de grives on mange des merles... Elle lui tendit les mains, une expression renfrognée sur le visage. Elle était adorable ! Ses blessures saignaient abondamment, il se résigna à utiliser l'eau de sa gourde pour les nettoyer. Puis il les banda très fort. Il fallait serrer le plus possible ces bandages de fortune, pour limiter l'hémorragie. Il remarqua alors que les breloques de son bracelet étaient également ensanglantées. Peu à peu, il remonta le fil des événements. Lors de sa fuite, elle était probablement tombée, et en voulant se rattraper, elle avait dû s'enfoncer les petites améthystes dans la peau.

     Quand cela fut chose faite, Cléon plia un peu les doigts, avec une grimace de douleur.

      — Je suis désolée, pour ta chemise. Tu vas attraper froid...

      Celtica se mit à rire.

     — Si ce n'est que cela ! Tu sais, la pluie aura raison de ma santé, de toute façon ! Cherchons donc un endroit où nous abriter !

     Elle sourit piteusement et le suivit. Elle était à nouveau toute pâle, il espérait qu'elle ne couvait rien d'aussi fâcheux que cette mystérieuse fièvre. Ils marchèrent longuement, en silence pour ne rien perdre du bruit que ferait un bataillon en marche ou les possibles cliquetis de l'armure du Serpentaire. Enfin, s'il daignait se montrer... Son petit talent à lui était de se rendre invisible et silencieux, si bien que l'on ne pouvait jamais déterminer s'il se trouvait à proximité ou à des lieux de soi. Et il restait la plus grande partie du temps caché derrière son pouvoir. Un grand timide, que celui-là !

Le Chant des Astres - Tome 1 : Le Verset du FeuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant