Face à lui se tenait l'une des plus rares créatures du monde. D'après certain, il n'y en aurait que mille, dans le monde entier. Il s'agissait d'un représentant masculin. Petit, fin, il ne lui atteignait que le menton. Ses yeux, ses extraordinaires yeux brillaient d'un éclat pur, comme une gemme. Ses iris d'un vert intense rappelaient l'émeraude. Son visage délicat, sans âge, sans imperfections, n'affichait qu'un profond dégoût. Pas de haine, pas de peur. Juste du dégoût. Sa peau avait la couleur d'une terre rougeâtre. Il portait ses cheveux noirs longs. Ses vêtements étranges, d'une esthétique qu'il ne connaissait pas, teints de deux couleurs seulement. Gris et vert, en l'occurrence. Un étrange chapeau pointu à très large bord, dont la pointe était brisée, se perchait sur sa tête. On ne pouvait qualifier cet inconnu que de beau. Pas de doute, cet homme était ce qu'on appelait un Ancien, une créature plus puissante que les Sorciers, considérés comme des dieux parmi les mortels.
Logée dans sa main, Ironie vibrait étrangement. Peut-être allait-il enfin percer son secret. Et plus il s'approchait de cette créature parfaite, plus elle s'agitait. Comme le hasard faisait bien les choses, il avait rencontré cet homme au détour d'un chemin, ses hommes s'étaient disséminés en forêt, en quête de nourriture et d'eau. Leurs réserves étaient tombées à sec. Il était donc seul, et, ô dieux, que cette solitude était douce !
— Restez où vous êtes, le menaça l'Ancien.
Même sa voix était merveilleuse ! Eickœs sourit de toutes ses dents. Les Anciens avaient de fabuleux pouvoirs, mais il avait Ironie. Et il avait la sensation que rien ne pourrait alors lui arriver.
— Très bien, souffla-t-il. FENRIR.
Tout à coup l'air se rafraîchit et crépita de magie, lorsqu'une créature se matérialisait devant l'Ancien. Un loup de la taille d'un cheval au pelage d'argent, aux crocs pointus et brillants. Ses yeux avaient le même éclat que ceux de l'Ancien, et une lueur d'intelligence d'ordinaire absente du règne animal. Il grogna.
— Mrèk'ran, tu veux que je le tue pour toi ? demanda-t-il de sa voix caverneuse.
L'Ancien fit apparaître du néant une lance d'une facture délicate et tout aussi inconnue que ses vêtements. Sa détermination se lisait dans sa posture, dans ses gestes. Et Ironie frissonnait de plus belle.
Soudain le loup géant se mit à aboyer furieusement sur Eickœs et s'obstinait à pousser son maître loin de lui. Le Lumissien sourit. Il ne s'était pas trompé, l'Ancien et sa créature allaient lui révéler quelque chose, bien malgré eux.
— Cette chose n'est pas censée être là ! grogna la créature. Mrèk'ran, dépêche-toi de fuir ! Je ne lui permettrai pas de te faire du mal !
Avant que l'Ancien ne puisse réagir, Fenrir se jeta sur Eickœs, crocs en avant. Sa mâchoire immense semblait toucher terre et ciel, jamais le jeune homme n'avait encore vu cela. Il laissait sa langue fourchue goûter l'air, comme le ferait un serpent. Tout comme Ironie, cette créature était unique. Tout comme Ironie, il était mortel. Mais qui de l'épée ou du loup triompherait ?
Alors que le loup gigantesque bondissait plus qu'il ne courrait, Eickœs saisit la poignée de l'épée de nacre et d'obsidienne à deux mains, planta fermement ses pieds dans le sol et attendit que vienne la créature. Bien que concentrée sur ses nouvelles cibles, il n'oubliait pas la menace que représentait cet assassin coincé dans son armure noire qui le traquait. Il avait réussi à le semer, mais pour combien de temps ? Il pourrait venir l'attaquer par derrière, et il n'était pas question d'accueillir le démon dans son dos !
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Le Chant des Astres - Tome 1 : Le Verset du Feu
FantasyDe l'autre côté de la voûte céleste Chantent les étoiles. Elles content une querelle millénaire qui oppose les dieux. Une fabuleuse épée, Ironie, est au centre de toutes les préoccupations, car son nom est synonyme de destruction. Pour retarder l'in...