Les flambeaux illuminaient la forêt comme une myriade de lucioles. Des fanions multicolores accrochés aux arbres se balançaient dans le vent tiède et exquis, qui déposait sur les lèvres un goût de sel. Les odeurs des embruns du sous-bois s'entremêlaient dans un ballet délicat et complexe et balayaient celle, plus subtile, des mets froids exhibés sur les tables dressées pour la fête. Gourmand notable, Celtica s'appliquait à déguster chacun d'entre eux, même si la faim ne le tiraillait plus depuis longtemps !
Tous les Nâémois de l'île dansaient et chantaient ensemble, s'adonnaient à des concours et des jeux. Contre toute attente, ces Sorciers ne se répartissaient pas en villages, mais se dispersaient un peu partout dans la forêt, comme une immense et unique cité. La forêt entière constituait leur jardin, les monstres leurs animaux domestiques. Ils se rendaient service les uns les autres, sans rien demander en retour. Une façon de vivre qui rappelait furieusement celle de Port Lumis.
Les groupes de musiciens rivalisaient d'inventivité pour attirer danseurs et spectateurs. La musique vibrait dans son corps comme jamais. Celtica y reconnaissait le concours de la magie, certains instruments, certaines notes s'associaient à un élément. Il remarquait les frissons qui le parcouraient lorsque le feu ou la foudre étaient joués, les larmes qui lui montaient aux yeux lorsqu'ils s'harmonisaient. Et lorsque que la glace et l'eau se mêlaient à eux, un délicieux trouble s'emparait de son esprit.
Tous réunis, les Nâémois célébraient le retour des Anciens sur l'île qui avait vu naître leur race. Près d'un millier de personnes avait déferlé sur Térrà Nâèm. Des femmes et des hommes, de tous les âges, la grande majorité avait la peau rougeâtre. Les plus jeunes ne devaient pas avoir plus de sept ans, les plus vieux à peine centenaires. Ils se mêlaient aux autochtones, timides.
Celtica ressentait à présent leur pouvoir presque sans effort. Leurs auras effleuraient la sienne avec la délicatesse de la brise. Il ne parvenait pas toujours à deviner leurs éléments, qui composaient la base de la théorie magique – et même de la vie nâémoise ! – mais il avait beaucoup progressé ces derniers jours.
Depuis sa rencontre avec Araane, le prince s'arrangeait pour ne jamais rester seul. Il redoutait la déesse furibonde et ses pulsions meurtrières. Souvent, il se promenait avec Kélis'o, il apprenait quelques mots de nâémois et lui enseignait la commune. Tous deux conversaient à présent dans une langue hybride, qui n'appartenait qu'à eux. Ils s'étaient découvert de nombreux points communs, dont un amour illimité pour les tartes aux fruits.
Parfois, Fûrrin se joignait à eux, mais elle ne disait pas un mot. Elle se contentait de sourire et de rire. Très loin d'être sotte, son comportement pouvait sans doute se comprendre par une timidité excessive. Celtica adorait son rire, clair et franc, surtout lorsque survenaient des quiproquos entre les deux amis.
Tandis que Celtica regardait les mets colorés, il reçut une petite tape sur l'épaule. Il sourit, mais ne se retourna pas.
— Toa encor man'je ? rit une jeune fille. Toa deviyen Nâèm Nyara'ndr'â !
— Et alors ? Si cela pouvait me rendre aussi majestueux !
— Majès tueuh ?
Celtica se tourna vers elle et passa une main dans ses cheveux.
— Euh... Grand... Fort... Beau...
Elle rit de plus belle, dévoila ses dents blanches.
— Toa bocou bo !
— Ah ?
Le jeune homme s'empourpra. La franchise des Nâémois le désarçonnait autant qu'il l'appréciait. Fûrrin piocha un morceau de poisson. Elle passa si près de lui que son parfum épicé lui chatouilla les narines. Une odeur qu'elle ne portait pas d'ordinaire... Elle déposa avec douceur la chair blanche entre ses lèvres roses et le goba d'un mouvement... étrangement sensuel. Perturbé, Celtica se tourna vers les musiciens les plus proches.
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Le Chant des Astres - Tome 1 : Le Verset du Feu
FantasyDe l'autre côté de la voûte céleste Chantent les étoiles. Elles content une querelle millénaire qui oppose les dieux. Une fabuleuse épée, Ironie, est au centre de toutes les préoccupations, car son nom est synonyme de destruction. Pour retarder l'in...