Le Chant des Astres - Tome 1 : Le Verset du Feu

33 Après la pluie (1/3)

     Juchée sur Rivalis, Cléon rassembla tous les Lumissiens encore sur pied qu'elle croisait. Celtica continuait à se battre, elle devait faire de même ! La cité souffrait, mais ils vivaient encore, l'espoir était encore permis. Un nouveau souffle agitait ses ailes malmenées, plus fort, plus audacieux.

     Un groupe de soldats la chargea, Rivalis se cabra. Cléon poussa un cri et se cramponna à sa monture. Elle glissait ! Les Arcans les entourèrent, prudents. Ah, si elle pouvait atteindre son pistolet, ou même sa dague ! Mais elle n'osait pas lâcher la crinière. L'animal retomba sur ses pattes, Cléon se réceptionna mal et chuta. Un soldat se rua sur elle, un second tenta de maîtriser le cheval.

     Sans réfléchir et ignorant la douleur, elle s'empara du coutelas que portait son agresseur à sa ceinture et le planta dans sa cuisse. Il hurla une insulte et lui décocha une gifle. Un autre soldat fondit sur elle et la plaqua au sol. Furieuse, elle lui donna un coup de tête, saisit son pistolet et tira. La détonation fit sursauter l'ensemble des Arcans, elle en profita pour se dégager. De toutes ses forces, elle enfonça sa dague dans le thorax de l'homme, abandonna son arme, fit un pas de côté, évita un coup d'épée, rechargea son pistolet.

     Puis elle tira.

     Deux hommes s'enflammèrent, Rivalis en piétinait un autre. Cléon ignorait si son comportement était normal, mais il lui épargnait bien des tracas ! Le dernier soldat, isolé, battit en retraite, la jeune fille et l'animal rejoignirent les Lumissiens qu'elle avait rassemblés et les conduisirent à travers les rues latérales. Il fallait prendre les derniers soldats en tenaille !

     Quand ils se furent positionnés, elle donna l'assaut. Les rebelles poussèrent des hurlements de guerre et se précipitèrent sur les ennemis. De l'autre côté des Arcans, une poignée de Lumissiens chargeaient aussi. Puis dans une rue à droite. Puis dans une rue à gauche. Cernés de toutes parts les Arcans se déchaînèrent.

     — On fait pas de prisonnier ! hurla Cléon pour se faire entendre. Les geôles sont détruites !

     On lui répondit par un cri. À bout de force, elle laissa ses concitoyens mener l'assaut. Elle s'appuya contre Rivalis et tâta sa joue. En feu et gonflée. Mince ! Elle sortait tous juste d'une crise, et la voilà de retour ! Elle scruta le ciel et vit le dragon chuter. Celtica ! Il fallait qu'elle revienne auprès de lui, il aurait besoin d'elle !

     Cléon flatta l'encolure du cheval et tituba dans les rues. Elle rencontra deux Arcans qui tentèrent de l'arrêter. L'un deux la reconnut, ils changèrent alors de tactique. Au lieu de tirer leurs épées au clair, ils préférèrent se montrer désarmés et avenant. La jeune fille grimaça, chargea son pistolet et tira. Elle n'attendit pas de constater les dégâts pour continuer sa route. Celtica l'attendait, c'était tout ce qui comptait.

     Le dragon s'envola à nouveau, s'éloigna du port et un cri de joie retentit dans toute la cité. Cléon pressa le pas. Et si Eickœs avait fait du mal à Celtica ? Rivalis marchait derrière elle, comme un toutou. Sans doute ne comprenait-il pas grand-chose à la situation, mais il ne dégageait aucune peur. Elle avait pourtant entendu dire que les cheveux étaient des trouillards...

     Sur l'embarcadère, elle aperçut Falmin et une étrange créature, rencontre contre-nature d'un aigle et d'un lion, remontait de l'eau. Celtica hurlait, frappait du poing le sol et se tenait ramassé sur lui-même. Il lui fit mal au cœur.

     Arrivée sur le ponton, elle se mit à courir, en dépit du bois devenu glissant. Celtica se redressa, elle se jeta dans ses bras. Elle retrouva enfin cette odeur de pin et de menthe poivré qu'elle aimait tant, bien que la sueur et la mer l'eussent en partie masqué. Elle se serra fort contre lui, tenta de lui communiquer un peu de sa chaleur.