01 Les fiançailles (2/4)

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     Des serviteurs entrèrent à petits pas pressés, les joues roses et le souffle court. Ils transportaient de lourds coffres, une grande boîte en ébène laquée, une malle décorée de bleuets qu'ils déposèrent près d'Annya. Vinrent ensuite des outres de vins raffinés, ainsi que des plateaux chargés de biscuits gras, plus gras encore que leur hôte, ce que le prince aurait pourtant juré impossible.

     Le gouverneur les incita à se servir, mais le prince refusa. Il n'aimait ni l'alcool, ni l'aspect peu ragoûtant des pâtisseries...

     — Comme vous voudrez, se renfrogna Faranan. Procédons alors à l'échange de cadeaux !

     Une coutume arcanne. Cet échange symbolisait le début d'un réseau de liens étroits entre les familles fraîchement apparentées. Sans doute une manière d'amadouer le nouveau partenaire. Le mariage en Arcane n'était que cela, un partenariat entre les hommes de chaque famille. Ainsi, on agrandissait une ferme, on étendait l'exploitation minière, on calculait les prochains profits. Si un fils naissait, on se réjouissait de la montée en puissance de l'alliance familiale, s'il s'agissait d'une fille, on commençait à négocier la prochaine union.

     L'échange était à dissocier de la dot qui suivait automatiquement la jeune mariée. Les cadeaux concluraient les fiançailles, la dot d'Annya serait alors donnée à Celtica le jour des noces. Elle ne serait pas utile à l'empereur en devenir qu'il était, mais les traditions restaient profondément ancrées dans les mœurs.

     Annya ordonna d'un simple regard aux serviteurs d'ouvrir les coffres. Prestes, ils s'exécutèrent et dévoilèrent de la vaisselle fine, décorée de bleuets et de Qirin d'argent, un animal composite entre le loup, le lion et le cerf, cher au cœur des Noblargent. Les blasons des d'Arcane et de l'empereur, éternellement entrelacés sur fond vert émeraude. Des rouleaux de tissus précieux, aux couleurs chatoyantes rivalisaient de génie pour briller davantage que son voisin. Des bijoux délicats, aux pierreries fines, rares, s'accommodaient au goût raffiné des Brasiens. Des livres uniques, rédigés en arcan se logeaient timidement dans un angle. Enfin, de superbes peintures sur toile complétaient la prestigieuse collection. Elles logeraient dans la bibliothèque impériale.

     — Acceptez ce modeste présent, récita la princesse avant que Faranan ne prenne le rôle qui aurait dû revenir à son père, témoin de l'amitié et de l'estime que vous porte ma famille.

     — Voilà une gente dame bien pressée de se marier ! rit Faranan. Vous avez de la chance, jeune homme.

     Il marqua une courte pause durant laquelle il promena son regard avide sur Annya, plus outrancier que jamais.

     — Oui, vraiment de la chance...

     La jeune femme roula des yeux, mais ne dit rien. Elle tenait sans doute à écourter cette douloureuse séance. Pour une fois, Celtica partageait son empressement. Qu'on en finisse, et vite ! Ils enchaînaient depuis trois jours les formules alambiquées et les ronds de jambe, le prince s'impatientait. Le palais d'Estalis lui manquait et ce séjour en Arcane figurait déjà parmi ses pires voyages !

     À son tour, le jeune homme demanda aux serviteurs d'ouvrir ses propres coffres. Une sélection du meilleur thé de l'empire accompagnée de son service, alors que les Arcans n'en buvaient que très peu, des livres d'études sur la faune et la flore, sur la diversité des coutumes brasiennes, évidemment retranscrits en arcan, de la soie de la meilleure qualité, teinte selon les goûts du roi, vert pour la plupart, quelques gemmes à l'état brut, et parfois dans leur gangue, puisque les d'Arcane préféraient faire tailler eux-mêmes leurs bijoux.

Le Chant des Astres - Tome 1 : Le Verset du FeuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant