34 Fantôme de pierre (2/3)

32 6 12
                                    

     Akhel applaudit, cynique, un sourire sinistre plaqué sur les lèvres.

     — Tu parles bien, « Votre Altesse », mais tu n'as pas répondu à ma question. Il est légitime de se la poser, tu ne penses pas ? Des décisions sont prises sans que nous en connaissions les tenants et les aboutissants, et nous voilà lésés, spoliés. Je cherche juste à comprendre !

     — À comprendre ? rugit Cléon. Tu cherches à discréditer mon père, oui ! Tu brigues sa place depuis si longtemps ! Personne n'est dupe !

     — Cléon, s'il te plaît... fit la femme de l'estrade.

     — N'ajoute pas de l'huile sur le feu ! insista l'un des hommes.

     La femme tenta de la saisir aux épaules, mais la jeune fille se dégagea d'un mouvement. Elle pointa un index furieux sur le pirate, alors que Celtica empêchait les autres d'intervenir.

      — Une telle bassesse ! Mon père t'avais déjà prévenu ! Là, tu dépasses les bornes ! J'exige que soit exécutée la sanction en guise de réparation !

     Cléon se tourna vers la foule et leva la main. Quelques-unes rejoignirent leur consœur dans le ciel gris, d'autres hésitèrent. Des discussions s'élevaient ci et là, des têtes se tournaient, remuaient de bas en haut ou de gauche à droite. Bientôt, une forêt de mains hérissées s'étendait devant eux. Les quatre inconnus de l'estrade échangèrent quelques mots.

     Et Akhel éclata de rire.

     — Attends une minute, petite fille ! Samida est morte, ton père folâtre quelque part en Arcane, comment veux-tu que la sentence soit exécutée ? Tu es toute seule, et ce n'est pas ton chevalier servant qui pourra m'ostraciser !

     — Son Altesse impériale non, concéda une voix avec un fort accent du sud, mais moi, je suis là.

      La foule se fendit pour laisser passer le nouvel intervenant. Un élégant pourpoint lie-de-vin, un tricorne de feutre assorti, Celtica le reconnu aussitôt. Le soulagement lui fit pousser un bref soupir. Derrière lui, une femme aux cheveux teints en blond et aux yeux bridés, vêtue comme un homme distingué.

     — Le chef Aljinan m'a toujours conféré les pleins pouvoirs en son absence. Et il me semble que personne n'a pensé à convoquer des élections ! Je suis toujours maître à bord, et Cléon a été outragée devant toute la cité. Elle est en droit de demander réparation.

     Il n'avait pas besoin d'élever la voix, sa seule présence imposait à tous le silence. Comme si Aljinan en personne s'exprimait à travers sa bouche. Cléon croisa les bras et, de son air féroce, toisa Akhel. Malgré sa petite taille, elle n'aurait pas hésité un seul instant à faire justice elle-même en l'absence de Shiraad !

     — Tu crois vraiment que tu pourras me chasser ? ironisa Akhel. Toi, qui as été absent durant toute l'attaque ?

     — Je me souviens pas t'avoir vu non plus, répliqua Cléon, incisive. M'est avis que tu t'es planqué dans les égouts, comme un lâche.

     — Je veillais sur le Puissant, comme tout bon capitaine.

     — Suffit ! Cette comédie n'a que trop duré ! Selon les lois du port, moi, Shiraad Er Morden, capitaine du Vaillant, décrète que la sentence requise à ton encontre soit exécutée. Toi, ton équipage et ton navire n'êtes plus les bienvenus à Port Lumis. Que nous ne revoyons plus ton pavillon battre dans les eaux du Port, ou nous serons contraints de vous couler. Que vos visages ne paraissent plus devant nos yeux ou nous serions contrainst de vous cribler de flèches. Gardiens !

Le Chant des Astres - Tome 1 : Le Verset du FeuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant