07 Le Verset du Feu (2/3)

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   Aljinan se glissa de justesse dans les buissons. Des soldats, armés jusqu'aux dents, passèrent devant lui, d'un pas lent et lourd, l'épée au clair. Ils n'étaient que trois, mais le chef de Port Lumis n'était pas assez fou pour s'y frotter. Oh, il avait une pleine confiance en ses capacités, mais il doutait que ces trois-là, en plus de ne pas être des amateurs, n'étaient pas non plus les seuls. Maudits Arcans, toujours là où ils ne devraient pas... Néanmoins, l'imberbe s'estimait chanceux, les Arcans n'avaient pas pour habitude d'employer des chiens dans l'armée, contrairement aux Brasiens. Si tel avait été le cas, sa présence aurait été aussitôt révélée.

   Aljinan avait atteint la frontière sud entre l'Augustrie et l'Arcane à bord de son vaisseau, qu'il avait dissimulé dans les bois, non loin de là. Grâce aux différents indices soigneusement collectés par ses espions, il avait une idée à peu près claire des événements survenus quelques jours plus tôt, à la réception de Faranan. Et ce qui se profilait lui glaçait le sang. Il cherchait à présent à se rendre en Augustrie pour vérifier ses hypothèses, et pour la toute première fois de sa vie, il souhaitait ardemment se tromper. Même si son inquiétude pour sa fille le rongeait de l'intérieur, il la savait en relative bonne compagnie aux côtés du prince héritier. D'après ses informateurs, Exodica et son équipe avaient bien éduqué son gamin, et il n'avait rien à redouter quant à la vertu de sa fille. Comme quoi, il restait encore des gens bien dans ce monde...

   Les soldats passèrent, Aljinan se glissa avec souplesse hors des buissons. La forteresse était en effervescence. Beaucoup de soldats patrouillaient dans la cour, et tous ne semblaient pas connaître les lieux. Aljinan ne voyait que deux raisons qui expliqueraient ces comportements quelques peu surprenants. Premièrement, il s'agissait de nouvelles recrues qui prenaient tout juste leurs fonctions. Fort peu probable, ils étaient tous au moins trentenaires, et leur façon de marcher ou de porter leur équipement trahissait de longues années de services déjà. La seconde raison était la présence exceptionnelle d'une grande ponte.

   Et la petite lumière qui brillait à l'une des fenêtres de l'étage lui donnait raison. Aljinan connaissait très bien ce domaine, et pour cause ! Chaque fois qu'il menait une action contre le roi, il lançait l'assaut ici. Et la fenêtre derrière laquelle brûlaient les bougies appartenait au grand salon... Qui n'avait de grand que le nom. Il s'agissait en tout et pour tout d'une petite pièce mal agencée et poussiéreuse, que le capitaine de la forteresse réservait aux invités de marque, fort peu nombreux.

   Malgré sa taille gigantesque, Aljinan savait se faire discret, et avait opté pour des vêtements sombres, sans être noirs, taillés dans un tissu mat qui accrochait mal la lumière. Il avait entouré son crâne chauve d'un bandana constitué de la même étoffe, et ganté ses mains. Par mesure de précaution, il n'avait glissé qu'un poignard dans sa botte droite, au lieu des deux cimeterres qui pendaient habituellement à ses hanches. Les armes avaient la fâcheuse tendance à briller au moindre éclat de lumière, et à cliqueter au moindre mouvement.

   La cour bien trop lumineuse, créait paradoxalement de nombreuses zones d'ombre. Atteindre ce fameux salon serait moins difficile qu'il ne le redoutait. Il n'était venu que pour semer un peu plus la zizanie avant de traverser la frontière, mais cet illustre visiteur l'intriguait plus que de raison. Aljinan n'avait jamais su résister à l'appel de la connaissance et à sa curiosité maladive. Il ne se mettrait pas en danger inutilement, de toute manière. Et s'il pouvait découvrir quelque chose, ou porter un sale coup à Jesd et ses enfants, il ne se priverait pas !

   Il se glissa derrière une large colonne et observa les allées et venues des soldats. Il en dégagea rapidement une sorte de schéma, et parvint à découvrir la brèche dans leur patrouille. Il l'exploita et se retrouva dans le massif bâtiment. Bien. Il ne restait plus qu'à gravir les degrés et se rapprocher de sa cible. En comparaison avec la cour, les couloirs lui paraissaient déserts. Il tombait parfois sur un soldat isolé qui ne l'avait même pas remarqué, et n'avait été contraint d'en assommer qu'un pendant toute sa progression.

Le Chant des Astres - Tome 1 : Le Verset du FeuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant