33 Après la pluie (2/3)

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     Un puissant cri fit vibrer la maison. Cléon se réveilla en sursaut. Des cris, encore des cris ! Affolée, elle regarda tout autour d'elle avant de comprendre que retentissait la voix de Celtica. Elle se leva, vacilla. La fièvre ruisselait sur son front, dans son dos, sur sa poitrine, laissait sur sa chemise de nuit une humidité qui lui collait à la peau. Sa respiration et les battements de son cœur s'accordaient sur un rythme erratique, ses jambes molles peinaient à la supporter. Mais les cris lui donnaient des ailes.

     Elle dévala les escaliers, aussi vite que possible, manqua la dernière marche, tomba de tout son long sur le sol de la cuisine. Elle poussa un gémissement, lutta pour se relever.

     — Celtica ! appela-t-elle, aussi bien pour le rassurer que pour se donner du courage.

     Les cris provenaient de la salle de bain. Tant pis pour la pudeur ! Cléon se propulsa contre la porte, l'ouvrit à la volée. Crispé dans son bain, le corps en avant, Celtica se tenait la main, celle qui portait ses cicatrices. Il criait sa souffrance, la pleurait même.

     — Celtica !

     À travers la vapeur et les odeurs de savon, Cléon se précipita vers la baignoire. Elle se cogna durement, mais ignora la douleur. Elle s'assit sur le rebord et attrapa ses mains. Malgré la touffeur, elles restaient glacées ! Le prince cessa de hurler, mais ses yeux reflétaient une vraie panique. Reléguant son propre effroi au second plan, la Lumissienne sourit et lui caressa brièvement la joue.

     — Je suis là, ça va aller ! Kwen va arriver, respire doucement !

     — J'ai l'impression qu'on m'arrache le bras ! grinça-t-il. C'est Ironie ! Quelqu'un doit lui faire du mal ! Il faut que je la retrouve !

     Le prince esquissa un geste rigide pour se lever, mais Cléon s'appuya de toutes ses forces sur ses épaules. Par tous les dieux, qu'il était fort !

     — Pas dans cet état ! Je t'en prie, respire, bon sang !

     Celtica se rassit, le visage tendu. Il lui lançait un regard noir, mais elle n'en avait cure. Elle lui massa la main, l'obligea à plier et déplier les doigts. Plus blême qu'elle, la peau du Brasien laissait apparaître son réseau veineux sur l'ensemble de son corps, une étrange ligne pourpre partait de son front jusqu'à son nombril. Elle pulsait sous ses yeux ! C'était léger, mais elle se dilatait et se rétractait comme un cœur. Et à mesure qu'il calmait sa respiration, le phénomène diminuait d'intensité.

     Des coups à la porte d'entrée retentirent.

     — Entre ! On est dans la salle de bain ! cria-t-elle.

     Kwen accourut et resta un instant interdit devant la scène.

     — Vous m'expliquerez plus tard, trancha-t-il. Cléon, viens avec moi.

     — Non, occupe-toi d'abord de lui !

     — Surtout pas, protesta Celtica, les dents serrées. Cela passera, l'état de Cléon est plus grave !

     — Dis pas n'importe quoi ! Tu hurlerais pas comme un cochon qu'on égorge si t'allais bien !

     — Calmez-vous tous les deux ! Cléon, va m'attendre dehors !

     — Je reste.

     — Aussi têtue que son père, soupira Kwen. Alors va te mettre dans un coin en attendant !

     À nouveau, elle refusa, catégorique. Personne ne la séparerait plus de lui ! Comme à son habitude, le médecin céda devant son entêtement. Cléon en fut soulagée. Elle se déplaça un peu pour laisser son ami travailler et surveilla jalousement tous ses gestes. Elle ne supporterait pas de le perdre. Elle plaçait une confiance aveugle dans le médecin, mais cette situation, c'était bien plus qu'elle ne pouvait le supporter.

Le Chant des Astres - Tome 1 : Le Verset du FeuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant