Cléon sursauta lorsque Celtica se leva. Elle avait perdu le fil de la conversation ; dans l'énervement, ils étaient passés au brasien. Le prince avait prit une couleur rouge, les tendons de son cou ressortaient. Il était furieux, et elle ne pouvait rien y faire. Elle se sentait désarmée, et isolée. À la fin de son discours, Celtica s'en alla d'un pas décidé, sans même leur lancer un regard.
La Lumissienne croisa les bras et fixa Vlad et Fédra, réclamant silencieusement une explication. Mais le marquis l'ignora, enfouit son visage dans ses grandes mains et lâcha un long soupir. La Walkyrie lui sourit, et vida sa chope de bière.
— Les choses sont dites, lâcha-t-elle avec un certain cynisme.
— Qu'est-ce qui s'est passé ? demanda Cléon.
Vlad écarta les doigts, laissant ses yeux verts se poser sur la jeune fille. Il paraissait las.
— Notre empereur est mourant, expliqua-t-il avec la patience d'un maître d'école. Il faut qu'il rentre pour être couronné.
— Et marié, ajouta la guerrière.
Cléon comprit un peu mieux la situation. Un mariage, ce n'était pas rien ! Surtout si on l'unissait à quelqu'un qu'il n'aimait pas. Mais de ce qu'elle connaissait de Celtica, cette raison lui paraissait tout de même un peu légère pour expliquer cette explosion de colère. Vlad but à son tour sa chope, lentement.
— On va aller tous se coucher, fit-il. La journée a été longue, et il y a longtemps qu'on n'a pas profité d'un vrai lit.
Sur ce, il se leva et monta à l'étage, bientôt imité par Fédra. Celle-ci adressa un sourire à la jeune fille avant de disparaître. Cléon se sentait frustrée. Celtica avait été blessé, et elle ne pouvait rien faire pour le consoler. La table portait encore les traces de leur repas. À part celle du prince, qui était presque pleine, et celle de Cléon, qui gardait intact le morceau de poulet qu'elle était incapable de couper seule, les assiettes étaient vides. Et à nouveau, les deux plus jeunes du quatuor n'avaient pas touché à la bière.
Elle soupira et s'appuya sur le dossier de sa chaise. Elle n'avait pas sommeil. Pas encore.
— Vous avez fini ?
Cléon sursauta, et ses yeux allèrent de la table à la serveuse.
— Euh... oui, oui...
— Il vous faut autre chose ?
— Est-ce que je pourrai avoir du lait chaud ?
La femme la jaugea et eut un petit sourire en coin. Elle débarrassa la table, et Cléon se sentit rougir. Elle devait sans doute passer pour une enfant, pour avoir bêtement réclamé du lait ! Enfin, ce n'était pas très grave. Elle avait l'habitude d'en boire le soir. Cela la détendait et la préparait à passer une bonne nuit, même si là, elle doutait de trouver le sommeil.
Comme cette soirée lui paraissait étrange ! La nervosité de Celtica, son entrevue avec son père, ses émotions, sa dispute avec ses amis... Et avait-il... essayé de l'embrasser ? Elle se redressa d'un coup comme si un insecte l'avait piquée. Elle rougit violemment. Non. Non, non, non. C'était impossible. Elle se faisait des idées. Impossible qu'il ait essayé ! Il était bien trop haut ! Et elle, qui voudrait d'elle de toute façon ?
L'amour lui était interdit. C'était sans doute mieux ainsi.
Cléon croisa ses bras sur la table et plongea sa tête dans leur creux. Autour d'elle, les conversations reprenaient petit à petit. Le coup d'éclat princier avait dû les surprendre, et avait refroidit l'entrain et la jovialité de la clientèle. La jeune fille posa une main sur son bas-ventre, confuse. L'idée que le prince ait esquissé ce geste lui était tout à fait délicieuse, mais elle n'aurait sans doute pas pu répondre favorablement à ses avances. Le voulait-elle seulement ? C'était une question à laquelle elle n'avait pas les réponses. Elle ne s'était jamais demandé ce genre de chose. Il était indéniable que le rouquin avait un charme fou, et que le voir souffrir était presque aussi douloureux que souffrir elle-même. Le voir était réconfortant, et sa main toujours chaude. Et...
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Le Chant des Astres - Tome 1 : Le Verset du Feu
FantasyDe l'autre côté de la voûte céleste Chantent les étoiles. Elles content une querelle millénaire qui oppose les dieux. Une fabuleuse épée, Ironie, est au centre de toutes les préoccupations, car son nom est synonyme de destruction. Pour retarder l'in...