18 Machinations (2/3)

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   Debout à côté du chef imberbe, Celtica observait les Lumissiens rassemblés dans le théâtre, tout autour de lui. Il n'avait jamais vu une telle structure, la pièce était carrée, les gradins s'élevaient dans les quatre directions comme une pyramide inversée, la scène occupait la place centrale, en contrebas. Il était difficile d'apercevoir les derniers sièges qui se perdaient dans l'ombre.

   Tout Port Lumis semblait s'être réuni, le brouhaha des bavardages emplissaient entièrement l'espace, au point d'en devenir étouffant. Le cœur battant, Celtica cherchait dans la foule le visage de Vlad et de Fédra, qui avaient été conviés. Mais impossible de les retrouver dans cette masse remuante et bruyante.

   Aljinan croisait les bras, alors que Celtica avait préféré les mettre dans son dos, dans une attitude qu'il espérait solide. Il était très impressionnant de se tenir devant tout ce monde. Cependant, il n'avait pas peur. Pas vraiment. Il avait déjà assisté à ce genre de réunion avec son père, même s'il était assit dans un trône, bien au dessus de tous. Il se sentait un peu petit ici.

   Soudain, Aljinan frappa trois fois dans ses grandes mains, le silence s'installa. Celtica en fut très impressionné.

   — Mes amis, mes frères, mes sœurs ! déclara d'une voix forte le chef de Port Lumis. J'ai l'insigne honneur de vous présenter le prince héritier du Brasier, Celtica Illis de Noblargent !

   Il y eut quelques applaudissements réservés. Non, circonspects. Les Lumissiens n'aimaient visiblement pas l'ingérence étrangère dans leurs affaires.

   — Ce jour est historique ! Nous venons de trouver notre protecteur !

   Un murmure fit frissonner l'assemblée. Bonne ou mauvaise nouvelle ? Celtica veillait à se tenir bien droit et à garder l'air impassible. Doucement, il regardait chacun des visages qu'il distinguait à peine dans la pénombre. Y avait-il un seul ami parmi eux ? Ils lui paraissaient tous prêt à lui sauter à la gorge.

   — Le Brasier, en la personne de son héritier, nous disculpe des tentatives d'assassinat sur la personne de l'empereur et la sienne, et du vol de l'épée Ironie. Aucun des nôtres n'a été blessé, et aucun des Brasiens n'a été maltraité ! En gage de sympathie, nous restituerons à l'empire la dot de la future impératrice !

   Un grondement parcourut le public. Aljinan jeta un regard au jeune homme, lui fit un léger signe de tête. C'était à lui de parler. Il prit une profonde respiration, rassembla son courage.

   — Citoyen du Lumis ! s'entendit-il dire.

   Sa voix résonnait étrangement dans le théâtre. Il avait l'impression de s'adresser à des fantômes. Ces ombres, dissimulées dans le noir, semblaient le juger. Mais il ne se laisserait pas impressionner. Pas maintenant qu'il était lancé.

   — Le gouverneur Faranan Yréan est allé bien trop loin ! continua-t-il. J'ai été contraint de fuir la région pendant quelques temps, je suis revenu punir celui qui se joue encore de nous. Le Brasier a perdu l'épée Ironie par sa négligence, il accuse Port Lumis des crimes à l'encontre de mon pays. Mais Son Excellence mon père a vu clair dans son jeu et n'a pas poursuivi d'action punitive. Aujourd'hui, je suis venu réclamer la justice, pour nous, pour vous, pour ceux qu'il a trahis !

   Aljinan restait imperturbable, ses yeux fixés sur ses concitoyens. À quoi pouvait-il bien penser ? Approuvait-il les mots qu'il disait ? Celtica avait la fâcheuse impression de manipuler ces hommes et ses femmes, de trahir son père et ses amis. Il pensait réellement que Faranan devait être jugé et puni pour ses crimes, mais il engageait le Brasier entier. Un vrai choix politique. Le premier.

Le Chant des Astres - Tome 1 : Le Verset du FeuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant