Aljinan referma son livre et le reposa doucement à côté de lui.
— Puisque t'es décidé à papoter, tu veux boire un truc ? J'veux dire, autre chose que de l'eau ?
— Je n'aime pas l'alcool.
— Tu sais pas c'que tu rates, gamin... Les Nâémois non plus, mais ils raffolent de jus de fruit.
— Alors volontiers, sourit le prince.
Aljinan opina du chef et le quitta quelques instants. Celtica se rallongea, la tête dans ses mains. Une sorte de tranquillité feutrée s'installait dans la cabane. La krièn't, appelée à la nâémoise. Il se sentait bien ici. Il aimait cette simplicité, ce naturel qui lui faisait souvent défaut au palais. Les insectes allaient et venaient comme bon leur semblaient, sans jamais dénoter dans ce décor. Il mourrait d'envie de les dessiner, mais sans matériel...
Jamais il n'aurait cru cette intimité possible auprès de cette montagne de muscles et de connaissances ! Aljinan n'était pas homme facile à approcher, Celtica avait la conscience aiguë de compter parmi les privilégiés. Près de lui, malgré sa personnalité écrasante, il se savait en sécurité. Il ne maniait pas la flagornerie, il disait ce qu'il pensait, et pensait ce qu'il disait. Il le stimulait par sa présence, son intelligence. Il tirait Celtica vers le haut, l'appelait sans cesse à s'améliorer.
L'imberbe revint avec deux bols, lui en donna un avant de s'asseoir à sa place. Ils trinquèrent et burent en silence. Qu'est-ce qui motivait cet homme, toujours au plus près de l'action, à rester sur cette île ? Pourquoi ne retournait-il pas à Port Lumis, où sa fille l'attendait ? Elle devrait pouvoir sortir du lit, à présent.
— Comme je te disais, reprit-il, cet endroit est un piège pour nous. Pour toi, surtout. Les Nâémois se marient pas, leurs unions sont libres. Et ce sont les femmes qui mènent la danse. Tu les as vues, elles sont redoutables ! Leurs techniques de séduction reposent aussi bien sur tous les moyens conventionnels que tu peux imaginer, que sur leur magie. Elles connaissent sur le bout des doigts les théories élémentaires, et savent parfaitement doser leur pouvoir pour ferrer un amant. Et contrairement aux Anciens, elles en ont une parfaite conscience. Tu devrais t'inspirer d'elles pour te découvrir, et apprendre à maîtriser ce charme qui t'es si particulier. Mais ne l'exerce pas ici.
— Et pourquoi donc ? demanda Celtica plus par curiosité que par vrai intérêt.
— Parce qu'une femme et un homme conçoivent des enfants. Et qu'un de tes gosses est aussi sacré que tu l'es, toi. Or, cette terre est pleine de magie. Tu as dû te rendre compte que les Anciens et Térrà Nâèm sont étroitement liés. Et c'est pas un hasard. Beaucoup d'Anciens naissent ici, dans ce berceau de la magie. Donc, si t'avais un gamin à Térrà Nâèm, il pourrait être un Ancien, et donc impossible d'en faire ton héritier. Les dieux seraient très fâchés.
— Tout le monde m'a déjà mis en garde sur le risque de concevoir des enfants, rétorqua Celtica. De toute manière, je suis déjà fiancé.
— Si naïf ! Bref, tout ça pour t'dire que céder aux sirènes nâémoises serait la pire des idées possibles.
— Je ne suis pas aussi malléable.
— Oh ! Détrompe-toi ! T'as rien d'un gars lubrique, mais le jour où l'amour te tombera dessus, tu pourras rien y faire !
Celtica haussa simplement les épaules. Il ne se sentait pas menacé, pas le moins du monde ! On allait le marier à Annya, et il comptait bien lui rester fidèle ! Non pas parce qu'il espérait qu'une quelconque affection éclose, mais parce que cela l'embêterait bien. S'il se montrait droit et respectueux de ses engagements, elle n'aurait d'autres choix que de suivre son exemple si elle voulait garder son titre. Il n'avait jamais caché son désir de voir la branche impériale des Noblargent mourir avec lui.
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Le Chant des Astres - Tome 1 : Le Verset du Feu
FantasyDe l'autre côté de la voûte céleste Chantent les étoiles. Elles content une querelle millénaire qui oppose les dieux. Une fabuleuse épée, Ironie, est au centre de toutes les préoccupations, car son nom est synonyme de destruction. Pour retarder l'in...