La route cahoteuse rendait le voyage inconfortable et des douleurs affreuses se répercutaient le long de sa vieille colonne vertébrale. Pourtant Exodica prit son mal en patience. Il était le seul responsable de sa maladie. Et s'il fallait recommencer, il le ferait, et plus encore. Il ne craignait pas la mort, il ne l'avait jamais crainte.
Tout était bon pour protéger son fils.
La route défilait à toute vitesse, les chevaux lancés à vive allure ne manifestaient aucune envie de s'arrêter. L'empereur ignorait combien de temps ils pourraient continuer ainsi, mais il faisait confiance aux soldats qui l'accompagnaient. Ils ne tueraient pas leurs montures dans cette course effrénée, même si leur souverain était en danger. Les démons se chargeraient des éventuels poursuivants, comme ils l'avaient fait plus tôt. Comme ils le faisaient toujours.
Exodica souleva un rideau pour observer la nuit sombre. Le carrosse n'avait pas même une rayure, et le sang des mercenaires ne l'avait aucunement taché. Un travail propre et efficace. Il soupira et laissa retomber le rideau, puis chercha une position plus confortable. Il culpabilisait. Il avait abandonné son fils, son fils unique ! Un seul démon avait choisi de rester à l'attendre, mais les autres avaient poussé toute la délégation brasienne à fuir. Depuis combien de temps fonçaient-ils, au rythme des sabots et du cliquetis des armures ? Si les insectes chantaient, Exodica ne le saurait jamais.
Le carrosse impérial s'arrêta soudainement, et on vint frapper à la porte. L'empereur repoussa le petit rideau et croisa le regard affolé du marquis Vlad-Alexeï d'Œilbleu, capitaine et garde du corps de son fils.... Bien qu'il n'ait pas pu faire son travail ce soir.
— Qu'y a-t-il ? Pourquoi nous arrêtons-nous ?
— Nous sommes arrivés, votre Excellence, répondit-il, le souffle court.
La porte s'ouvrit et le démon qui s'apparentait aux Poissons lui tendit la main. Une main gantée de métal, qui interdisait toute chaleur. Mais Risha n'était pas le pire de cet ordre décadent. En réalité, il avait toute la confiance impériale. Celui-là était l'un des rares à se découvrir la tête presque en permanence, malgré une grande timidité. Mais pas ce soir-là. Les drôles d'événements exigeaient sans doute une tenue complète, et la disparition totale d'un semblant d'humanité.
L'empereur accepta la main et posa le pied à terre, tenant fermement sa canne en ébène. Il ne pourrait plus jamais s'en séparer. C'était le prix à payer.
Vlad sauta à terre et contourna prudemment le démon à l'armure bleu nuit pour s'approcher de l'empereur. Raide, il joignit son poing droit à sa main gauche et posa un genou à terre, tint la position quelques secondes et se releva d'un mouvement souple.
— Votre Excellence, les hommes sont partis vider cette auberge pour que vous puissiez y passer la nuit.
Exodica fronça les sourcils, peu enchanté à l'idée de déloger les pauvres clients au beau milieu de la nuit.
— À vrai dire, commença le marquis en se grattant l'arrière de la tête, je sais ce que vous vous dites, mais les chevaux sont épuisés, et la prochaine aérogare est encore loin...
— Soit, concéda l'empereur dans un soupir, mais soyez doux avec ces pauvres hères.
— Ne vous en préoccupez pas, ils savent traiter avec les petites gens...
Vlad hésitait. Exodica connaissait très bien la maison d'Œilbleu, sans qui les Noblargent ne seraient rien aujourd'hui. Elle avait toujours été d'une fidélité irréprochable à l'empereur, et il avait été un temps question d'unir les deux maisons en mariant Celtica à la jeune sœur de Vlad. Une union qui aurait sans doute été plus au goût de son fils, mais qui avait été contrariée par des pressions politiques.
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Le Chant des Astres - Tome 1 : Le Verset du Feu
FantasyDe l'autre côté de la voûte céleste Chantent les étoiles. Elles content une querelle millénaire qui oppose les dieux. Une fabuleuse épée, Ironie, est au centre de toutes les préoccupations, car son nom est synonyme de destruction. Pour retarder l'in...