Cléon prit une grande inspiration et fit un premier pas vers Shiraad, qui ne paraissait pas l'avoir vue. Elle adopta une attitude nonchalante, qu'elle avait beaucoup observée chez les garçons de son âge, et s'éclaircit la gorge.
— Cap'taine, tu voulais m'voir ? dit-elle de sa plus belle voix grave, qu'elle espérait convaincante.
Shiraad se tourna vers elle et leva un sourcil. Il la dévisagea quelques instants. Il l'avait reconnue ! Elle ne pourrait plus tromper personne, et le pirate des mers du Sud irait sans doute tout raconter à son père, et adieu douce liberté ! Elle se maudit intérieurement et ignora la sueur qui ruisselait sur son front.
Le capitaine pirate renvoya son subordonné d'un geste de la main et croisa les bras. Cléon n'aimait pas son expression, mais alors pas du tout ! Elle baissa la tête et se prépara à subir le pire sermon de sa vie.
— Non, je ne t'ai pas appelé.
— Mais des hommes sont venus m'dire...
— Des hommes, hein ?
Il regarda vers le fond de la pièce où étaient entreposés les coffres.
— Tu sais à quoi ressemblent les armoiries des Noblargent ?
Cléon hocha vigoureusement la tête. Tout espoir n'était pas encore perdu, son déguisement n'était peut-être pas encore découvert !
— Bien. Aljinan a été très clair, la famille impériale ne doit en aucun cas être lésée par nos actions. C'est primordial pour Port Lumis. Va donc les surveiller, qu'ils ne touchent qu'aux affaires des Arcans !
Cléon acquiesça et tourna aussitôt les talons. Primordial pour Port Lumis ? Qu'est-ce que les impériaux venaient faire dans cette histoire ? Au contraire, n'étaient-ils pas en passe de devenir des ennemis, avec le mariage du prince héritier et de la princesse arcanne ? Ce devait encore être des calculs de politiciens, auxquels elle ne comprenait décidément rien.
La salle aux trésors du baron Faranan Yréan fut rapidement dépouillée de toute sa richesse, et il ne restait qu'une poignée d'hommes qui procédaient à d'ultimes vérifications, histoire de voir si tout avait été emporté. Au fond de la pièce, l'homme qui l'avait envoyée retrouver Shiraad portait le coffret qui protégeait l'épée noire et blanche. Cette boîte portait les armoiries du roi Jesd, elle n'y prêta aucune attention.
Arrivée aux coffres, elle les compta et vérifia chacun des blasons. À part celui qui venait d'être emporté, il ne manquait rien. De toute manière, cette épée... L'épée ! Cléon fit volte-face. Cette épée bien particulière appartenait à la famille impériale, tout le monde le savait ! Comment avait-elle pu l'oublier ?
Et l'homme avait déjà disparu... Comme tous les autres, d'ailleurs. Elle se retrouvait toute seule, au milieu des figurines de mauvais goût.
— C'est pas vrai... lâcha-t-elle.
Et elle s'élança à leur poursuite, furieuse de sa propre stupidité.
* * *
Comme le lui avait conseillé le Serpentaire, Celtica ne se mit pas à courir. Malgré le sang qui battait à ses tempes. Malgré cette force invisible, ce frisson désagréable qui le poussait dans le dos, comme si l'implacable Mérénos le poursuivait en personne.
Des rires lui parvinrent, étouffés par la distance. Il n'osait pas imaginer le triste sort que subissait le gouverneur. Mais il ne le plaindrait pas. Pas après ce qu'il avait fait. Comme l'avait dit son père, les convier dans ce château avait été une erreur. Non, nommer cet homme gouverneur était une erreur. Et ce mariage était aussi une erreur.
VOUS LISEZ
Le Chant des Astres - Tome 1 : Le Verset du Feu
FantasiDe l'autre côté de la voûte céleste Chantent les étoiles. Elles content une querelle millénaire qui oppose les dieux. Une fabuleuse épée, Ironie, est au centre de toutes les préoccupations, car son nom est synonyme de destruction. Pour retarder l'in...