12 Le long de l'eau (3/3)

56 13 28
                                    


     Le soir tomba rapidement, et les lumières de la ville leur parvinrent par petites taches grandissantes. Chevaux et humains étaient exténués, mais Celtica se sentait étrangement alerte. Son cœur battait fort, quelque chose dont il ne pouvait comprendre l'origine créait en lui une angoisse de plus en plus pesante. Oppressante.

     Vlad repéra le premier une auberge en entrant dans la ville, et y fonça sans plus d'explications, laissant les trois autres à l'extérieur avec les chevaux. Un bruit de verre brisé résonna, Celtica sursauta et jeta des regards de tous côtés. Ce n'était rien, sans doute. Mais il ne pouvait ignorer cette impression de courir un risque inconsidéré. S'il avait été tout seul, il se serait remis en route sans attendre.

     Les deux femmes n'avaient pas remarqué son anxiété. Tant mieux, il s'en faisait sûrement pour rien. En vérité, il devait être pétri de fatigue, et son imagination fonctionnait à toute vitesse, puisque sa raison épuisée ne répondait plus. Il fallait qu'il mange, qu'il enfile des vêtements propres et qu'il dorme, dans cet ordre ou dans un autre. Le fond de l'air humide le faisait frissonner et ajoutait à son irrépressible sensation de danger imminent. Et pour couronner le tout, ses cicatrices commençaient à le démanger, à le brûler.

     Cléon sembla bientôt percevoir sa nervosité car elle ne cessait de lui jeter des regards inquiets. Elle finirait, à un moment ou à un autre, par lui demander s'il allait bien, et à ce moment, que pourrait-il bien lui répondre ? Il ne se sentait pas mal, mais il n'était pas non plus en grande forme. Il ne pouvait pas définir lui-même ce qu'il ressentait, alors comment le lui expliquer ? Ce n'était pas de la fatigue, il avait l'incroyable impression de pouvoir courir encore des heures durant, il n'avait pas vraiment faim non plus. Ou peut-être que si, justement. Il était à la fois trop épuisé physiquement et moralement, pour ne pas reconnaître la fatigue et la faim lorsqu'elles venaient se faire sentir.

     Vlad revint quelques minutes plus tard, avec un très large sourire.

     — Des gens charmants, à l'intérieur ! leur apprit-il. Un petit couple de vieillards tout à fait pittoresque, c'est leur fille qui tient les cuisines. Ils peuvent nous louer trois chambres, et prendre soin de nos chevaux.

     — Pourquoi trois ? demanda Cléon, interloquée.

     — Une pour vous mes demoiselles, une pour moi, et une pour le prince.

     — Mais c'est pas juste ! Tu va vraiment laisser Celtica tout seul ?

     Celtica frôla le bras de la jeune fille.

     — Telles sont les lois du Brasier, déclara-t-il.

     Elle se tourna vivement, une expression outrée sur le visage.

     — Mais on est pas au Bra... protesta-t-elle, alors que Fédra se jetait sur elle pour plaquer sa main sur sa bouche et éviter ainsi qu'elle ne les trahisse.

     — Il y a des règles, et il faut s'y tenir, jeune fille, la sermonna Vlad, le doigt levé comme un précepteur.

     Ce sermon sonnait faux, venant de Vlad. Mais il avait raison. Personne, pas même son garde du corps n'avait le droit de rester dans la même chambre que lui pour la nuit. Pas même une femme, tant qu'il n'était pas marié. Cléon avait été une exception, car il avait craint pour sa sécurité, et l'Arcane n'était pas réputée pour sa distinction envers la gente féminine. Mais ici, ce serait différents. Les Augustriens ne prêtait pas autant attention au genre de chacun, et avec Fédra dans la même pièce, elle ne risquerait pas non plus d'attraper le moindre rhume !

Le Chant des Astres - Tome 1 : Le Verset du FeuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant