Les pins déployaient leurs bras hérissés dans un ciel chargé d'humidité. Les nuages s'accumulaient, s'aggloméraient en gros coussins informes, de la pluie dans leurs bagages. La lune, qui peinait à transpercer cette impressionnante masse, brillait d'une lueur spectrale. La terre gorgée d'eau exhalait une forte odeur de sous-bois et de champignons.
Et dans cette nature silencieuse les soldats s'impatientaient. Un cinquième de cette petite armée avait été prêtée par Hayne. Le reste...
Une femme se posta près d'Eickœs. Grande et distinguée, elle s'était présentée sous le nom de Leina Larive. La sœur de son père adoptif. Étrange... Il entendait ce nom pour la première fois ; pas une mention dans les documents privés d'Aljinan, pas un seul de ses collaborateurs ne disposait de l'information. Mais quelle bonne, quelle agréable surprise ! Ils marchaient tous les deux dans la même direction : le bien-être de Cléon.
Elle l'avait rencontré aux alentours de midi, au château de Faranan, désespérément vide. Et elle n'était pas venue seule, ces troupes bien armées et disciplinées grossissaient les maigres rangs octroyés par le prince. Comment pouvait-il espérer qu'il mène à bien sa mission avec si peu d'hommes ? Enfin, cela ne faisait rien, à présent il disposait d'une vraie formation digne de ce nom !
— Ce ne sera pas facile. Tu le sais, n'est-ce pas ?
Eickœs palpa son moignon. Des fourmillements se propagèrent dans son membre sacrifié.
— Mais je ne peux pas perdre. Pas avec ça.
Du menton, il désigna la dragonne à plumes noires. Tapie sous les arbres, elle grondait doucement, mais le collier de pierres roses la plongeait dans la torpeur. Elle ne dormait pas, son âme emprisonnée dans les gemmes alchimiques ne répondait plus à sa volonté... Si elle existait encore. Cette technique rarissime avait été inventée par des alchimistes arcans. On ne l'utilisait guère, mais aujourd'hui elle trouvait son utilité.
Le lui apposé n'avait pas été chose facile, mais Méliade avait servi leur cause bien malgré elle. Il avait fallu éviter les coups de dents, de queue, de griffes. Et surtout ses flammes formidables. L'Ancienne l'avait contrôlé à la dernière seconde, juste avant qu'elle ne tue le pauvre page du prince qui observait l'opération depuis une fenêtre du premier étage. Ils n'étaient pas passés loin d'un drame ! Ce fut cet instant que choisit un soldat pour attacher le maudit collier autour du cou. La créature s'était effondrée immédiatement dans la cour, sous le regard ahuri des courtisans, soldats, serviteurs et esclaves.
Un vent froid se glissa depuis la mer entre les troncs ridés, Leina resserra son châle contre elle. L'air charriait une humidité fourbe, qui pénétrait chaque fibre de vêtement. Il n'existait que le feu comme bouclier, mais ce défenseur béni des dieux restait pour le moment interdit.
— Comment peux-tu être sûr que cette chose t'obéira ?
— Elle n'a pas le choix. Elle ne peut pas m'ignorer. Grâce à...
— Passons. Contente-toi de me ramener Cléon, saine et sauve.
Eickœs retint un soupir. Les manières de cette dame le froissaient, mais qu'importe ! Elle lui garantissait la sécurité de Cléon, ce que Hayne lui refusait. En tant que femme, elle devait comprendre sa position si difficile, si précaire. Elle serait sans doute une meilleure alliée, même si elle ne disposait pas de la même puissance.
Il se dirigea vers un groupe de soldats juchés sur des montures impatientes d'en découdre. Elles pourraient se révéler inutile, mais peut-être n'y aurait-il aucune attaque. Si les Lumissiens ouvraient les yeux, ils faciliteraient l'opération. L'idée de s'en prendre à ses amis ne le réjouissait guère, mais il poursuivait un but pur, supérieur. Il consentirait à n'importe quel sacrifice pour les atteindre.
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Le Chant des Astres - Tome 1 : Le Verset du Feu
FantasyDe l'autre côté de la voûte céleste Chantent les étoiles. Elles content une querelle millénaire qui oppose les dieux. Une fabuleuse épée, Ironie, est au centre de toutes les préoccupations, car son nom est synonyme de destruction. Pour retarder l'in...