27 La visiteuse (2/3)

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     Cette visite s'annonçait plutôt de bon augure. Depuis plus d'un mois, Cléon s'ennuyait et tournait en rond, seule chez elle. Les visites de Falmin et de Kwen restaient ses principales sources de joie. Quant à Rivalis... Elle ne pouvait même plus approcher les écuries sans subir les critiques de la palefrenière. Elle profitait de l'absence du chef pour cracher son venin à tout-va !

     La jeune fille jeta un coup d'œil sur la table et constata que son repas l'attendait toujours. Elle conclut alors que l'aubergiste ne se cachait pas derrière la porte. Kwen s'inquiétait beaucoup ces derniers temps, peut-être venait-il simplement vérifier son état de santé. Entre ses blessures et sa féminité, son corps souffrait pas mal.

     La porte s'ouvrit sur une gargouille. Malingre et pâle dans sa robe grise, ses yeux perçant dégageaient moins de chaleur qu'une couche de verglas. À bien y songer, ce n'était pas une gargouille, mais un aigle ! Ses lèvres pincées lui rappelaient étrangement quelqu'un... Peu impressionnable, Cléon appuya sa main contre le chambranle de la porte, leva un sourcil interrogateur.

     — Tu dois être Cléon, déclara-t-elle.

     Sa voix, tout le charme d'une roue mal huilée !

     — Et tu es... ?

     — Tu lui ressembles tant...

     L'inconnue retira son gant pour caresser la joue de la jeune fille. Cléon fit un bond en arrière, prête à mordre. Encore un pas, un seul, et elle le regretterait... L'étrangère partit d'un grand rire.

     — Tu n'as rien à craindre, mon enfant ! Je suis Leina de Larive, la sœur de ton père. Ta tante.

     — Quoi ? J'ignorais qu'il avait une famille...

     — Mais tout le monde en a une, ma petite ! Et si tu me laissais entrer, histoire que nous discutions plus confortablement ?

     Cléon inspecta de pied en cap cette... tante sortie de nulle part. Des cheveux grisonnants coincés dans un hideux chignon, une robe austère et ample, pas de trace d'arme d'aucune sorte...

     — Je ne vais pas te mordre !

     — Je suis pas sûre que mon père apprécie ce genre de visite en son absence.

     — Je suis venue te rencontrer, toi. Pas ton père.

     Cléon jeta un œil derrière la visiteuse. Mais force est de constater que cette femme piquait sa curiosité. Son style vestimentaire ne laissait pas de doute quant à sa classe sociale. Lui permettre d'entrer reviendrait à lui permettre de s'immiscer dans sa vie. Heureuse telle qu'elle l'était, Cléon n'éprouvait pas le besoin de connaître cette famille qui ne s'était jamais manifestée. D'un autre côté, son père cultivait tant de zones d'ombres que cette entrevue lui parut alléchante.

     — Allons ailleurs, dans ce cas...

     — Non, je veux voir dans quel environnement évolue ma nièce.

     Cléon hésita. Elle avait beau se présenter comme sa tante, sa présence ne la mettait pas à l'aise. Pouvait-elle seulement lui dire non ? En toute discrétion, la jeune fille scruta la rue, dans l'espoir d'y voir Kwen ou Falmin. Mais ni l'un ni l'autre ne daignaient se montrer. L'euphorie de sa participation à la vie du port s'envola, comme si elle n'avait jamais existé. Son humeur s'accordait au temps : maussade.

     Comme elle ne se décidait pas, Leina fit un pas vers elle, lui retirant tout droit de décision. Avant même de s'en apercevoir, Cléon était piégée.

Le Chant des Astres - Tome 1 : Le Verset du FeuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant