03 Fuir (2/4) [V.2]

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     Couverte de poussière, la figure d'un jeune garçon fendit les branchages. À moitié cachés par sa casquette bien trop grande pour lui, ses grands yeux dénués de malice le détaillaient.

     — Tu peux sortir de là ?

     Une voix juvénile, rendue rauque par les cris. Il méprisa le misérable bâton qui le menaçait et tendit la main. Celtica raffermit sa prise. Pas sans combattre !

     — T'as besoin d'aide, j'vais pas t'laisser là. Allez, viens !

     L'inconnu ne lui laissa pas le temps de répliquer, il s'empara de son bras et tira de toutes ses maigres forces. Rien dans son attitude ou son ton ne laisser présager d'une intention belliqueuse. Pourtant, une voix assourdissante l'exhortait à la prudence. Hélas, son corps, ce traître combattait sa raison, les douleurs l'obligèrent à quitter son refuge. Il cracha une plainte, un voile blanc tomba sur ses yeux, momentanément.

     — T'y es presque ! l'encouragea le garçon. Encore un peu !

     À force de mots doux et rassurants, l'inconnu vainquit ses réticences et le guida à travers l'entrelacs des ronces qui lui griffaient vêtements et peau. Libéré de son piège végétal, Celtica jaugea rapidement son sauveur. Jeune, au seuil de sa puberté, de grande taille pour son âge, une dague à sa ceinture... Pourquoi ne l'avait-il pas utilisée pour dégager la voie ? Puisqu'il ne paraissait pas hostile, Celtica choisit de lui accorder une confiance très relative.

     Avec une assurance rare pour son âge, le garçon se pencha sur sa blessure et l'obligea à retirer ses vêtements déchirés. Une grimace fendit son visage, mais il ne fit aucun commentaire. Aux alentours, plus une âme. Un vague tumulte leur parvenait, surtout des éclats de rire, mais rien qui ne ressemblait à un combat. Où se trouvait Sheratan ? Et Ironie ?

     Celtica poussa un cri de douleur lorsque l'inconnu plaqua contre sa plaie sa chemise réduite en charpies. Il maintint une forte pression pour faire barrage au flot continu.

     — J'peux rien faire, déplora-t-il. À moins que... Tiens le fort !

     Le prince obéit, serra les dents. Le garçon fouilla ses poches et en ressortit une fiole minuscule, remplie d'une potion épaisse, vaguement violette. Elle ne contenait qu'une gorgée. Un médicament alchimique.

     — Tiens, bois ça ! Ça devrait limiter l'hémorragie.

     Circonspect et inquiet, Celtica le regarda déboucher la fiole et la lui tendre. Il l'accepta du bout des doigts, comme s'il s'agissait d'une substance nauséabonde.

     — C'est pas très bon, s'excusa-t-il, mais c'est efficace. Sur moi, en tout cas.

     L'inconnu se retourna pour déboutonner sa chemise. Perplexe, le prince haussa un sourcil, se détourna et renifla la potion. Pas de parfum particulier, hormis peut-être une forte odeur iodée, qu'il pouvait très bien imputer à la mer qui s'agitait au bas de la falaise. Il la goûta du bout de la langue, ne détecta aucune saveur d'amande. Pas de cyanure...

     Pourquoi, après tout, chercherait-on à l'empoisonner, alors que cette dague semblait toute prête à mordre sa chair ? Ce garçon avait sans doute chassé ses agresseurs, par il ne savait quelle odieuse chance, ce n'était certes pas pour l'assassiner maintenant ! Non, il n'avait aucun intérêt à le tuer là, tout de suite...

     D'un geste rapide, désespéré, Celtica déversa la potion dans sa bouche, l'avala... et lutta contre un puissant haut-le-cœur. C'était... Il n'existait aucun mot, aucune expression assez forte dans aucune langue du monde pour qualifier cette horreur ! Épaisse, il avait l'abominable impression de gober une huître énorme, un puissant arrière-goût de fer et de mousse dans son sillage. Une fois encore, son estomac vindicatif se contracta brutalement, peu désireux de recevoir cette monstrueuse substance.

Le Chant des Astres - Tome 1 : Le Verset du FeuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant