22 Retour à Estalis (1/3)

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     Estalis s'étendait sous leurs pieds à mesure que le petit vaisseau chamarré s'approchait du sol. Vlad éprouvait quelques difficultés à rester en place tant il lui tardait de livrer cet énergumène qui gémissait et les maudissait tour à tour. Même Fédra avait cessé de lui répondre. Le pilote s'était présenté comme un ami d'Aljinan et leur avait proposé ses services, sans rien exiger en retour. Vlad se doutait que le grand chef l'avait désigné avant son départ, mais il n'avait fait aucun commentaire.

     Le plus difficile restait à venir.

     Dès que la machine se posa dans l'aérogare, des employés se précipitèrent à leur rencontre. Mais lorsqu'ils comprirent que les voyageurs n'étaient autres que Vlad et son bras droit, un vent de panique se mit à souffler dans le bâtiment. On courait en tous sens, on aboyait des ordres, on appelait la garde. Les hommes accoururent et ouvrirent grand la bouche quand descendit Faranan. Leur regard allait du marquis au gouverneur, incapables de démêler le grotesque du sérieux de cette improbable situation.

     — Le baron Faranan Yréan, gouverneur du Lumis, est prisonnier de son Excellence, annonça d'une voix forte Fédra, supplantant ainsi son chef.

     Vlad lâcha un léger soupir. Elle adorait se charger du protocole et de tous ces autres artifices officiels. Vlad lui en était reconnaissant. Moins il s'exprimait en public, mieux il se portait.

     — En rang, messieurs ! ordonna-t-elle en vrai petit chef.

     — Allez nous annoncer à Son Excellence, reprit le marquis.

     L'un des gardes se dissocia du groupe et fila comme le vent. Faranan reprit ses insultes, plus virulent que jamais. Fort heureusement, personne ne comprenait l'arcan qu'il crachait à tout va. La traversée de la cité ne s'annonçait pas de tout repos ! Ils n'avaient hélas pas d'autre choix, le gouverneur était un noble, il avait le droit à certains égards. Comme ne pas porter de bâillon, par exemple.

     La troupe se mit en marche, s'engouffra dans les larges rues de la capitale brasienne. Le ciel chargé déversait une pluie fine et régulière, qui déposait sur les pavés clairs une fine couche d'eau luisante. Il faisait humide et froid, mais Vlad souriait. Enfin la maison ! Il s'imprégnait de cette atmosphère qui lui avait tant manqué, jetait sans cesse des regards tout autour, sur les bâtiments, les curieux. Revoir tout ce qui constituait son pays, sa province, le ravissait. Pour la première fois en deux mois, il se sentait enfin en sécurité.

     Derrière la ceinture des temples se dressait le palais, majestueux, bienveillant, paternel. Une légère angoisse lui étreignit la gorge. Comment se présenter à Son Excellence, dans ces conditions ? En place et lieu du prince, ils lui ramenaient le gouverneur. Il serait très certainement déçu, mais ils respectaient les ordres de Celtica. Peut-être devraient-ils lui montrer la lettre. Oui, peut-être le devraient-ils.

     La cour du palais se remplissait de badauds, nobles et roturiers se mêlaient dans l'espoir d'apercevoir le fameux prisonnier qui vociférait tout ce qui lui passait par la tête. Ses cris bestiaux suscitaient des moqueries dans la foule, ce qui alimenterait sans nul doute sa réputation déjà bien entachée.

     Les treize démons se déployèrent devant les portes du palais, véritable force tranquille. Il n'y avait pas deux armures identiques, chacune flamboyait à sa manière. Vlad remarqua que Sabik, le Serpentaire, se tenait plus en retrait, comme drapé dans l'ombre. Une idée vint flotter au fond de son esprit : et si l'arrestation de Faranan faisait partie de ses plans, quels qu'ils soient ? Ce ne serait pas la première fois qu'il manipule son monde, et ce ne serait probablement pas la dernière. Jusqu'où s'étendait son influence sur Son Excellence ?

Le Chant des Astres - Tome 1 : Le Verset du FeuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant