24 Au fond du puits (3/3)

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     L'air pesant le privait de son souffle. Celtica souffrait, l'ascension du Nâèm Nyara'ndr'â se révélait plus difficile que n'importe laquelle de ses promenades en montagne ! La brume très épaisse, et pourtant d'une limpidité rare, l'étouffait. Il suait à grosses gouttes, sa chemise trempée lui collait à la peau. L'odeur de pin et de menthe poivrée qu'il portait se faisait plus âcre.

     Et Aljinan semblait frais et dispo, comme à son habitude ! Celtica enrageait. Comment faisait-il pour gérer la chaleur, l'humidité et cette maudite brume ? Les moustiques tournaient autour d'eux, avides de leur sang chaud. Leurs attaques incessantes grignotaient petit à petit sa patience. Leurs piqûres, particulièrement douloureuses, faisaient éclore des petits boutons et généraient un engourdissement bref mais ô combien agaçant !

     L'imberbe, qui évoluait comme un papillon dans un champ de fleurs, s'arrêta soudainement pour lui faire face. Pas une trace de sueur sur son crâne scintillant !

     — Ca va toujours, gamin ? Tu veux qu'on fasse une pause ?

     Celtica secoua la tête et força le pas.

     — Inutile de jouer aux durs, tu te f'ras du mal pour rien ! Tiens, bois un peu !

     Le prince continua à marcher. Mais lorsqu'il passa près de l'imberbe, celui-ci le saisit au vol et le força à s'asseoir. Sans lui donner le temps de répliquer, il lui vida la moitié d'une de ses gourdes sur la tête. Le jeune homme refoula un cri de surprise et chassa l'eau qui ruisselait sur son visage.

     — Je suis déjà assez trempé comme ça ! protesta-t-il.

     — Pas assez, visiblement. Tu respires mieux, hein ?

     — Pas du...

     L'étau qui enserrait sa poitrine s'écartait. L'air frais envahit ses poumons, salvateur.

     — Mais oui ! s'étonna-t-il. Comment le savais-tu ?

     — T'es très sensible à l'énergie qui circule ici, c'est elle qui t'étouffe. Arkh m'a prévenu que l'ascension serait difficile pour toi, à cause de la brume. Elle est particulièrement épaisse, aujourd'hui.

     — Pourtant, elle ne semble pas t'affecter.

     — Pour le coup, c'est moi qui ai l'avantage. Ma lignée à moi est pas aussi versée dans la magie que la tienne, elle a moins d'emprise sur moi.

     — Il s'agit de cette histoire de ligne, n'est-ce pas ?

     — Exact. Elle existe pas chez moi. L'eau que je t'ai renversée sur la tête a éloigné la brume. Je recommencerai lorsque tu seras tout sec.

     Celtica se releva, prêt à repartir. Son corps lui parut plus léger, le paysage plus agréable. Et mieux encore, les moustiques cessèrent de le harceler ! Il inspecta ses bras, décorés de plaques rouges cuisantes. Mais l'eau avait apaisé un peu de la douleur. Il espérait qu'Arkh aurait un onguent qui calmerait définitivement ces maux.

     Les flancs du Nâèm Nyara'ndr'â se paraît d'une forêt luxuriante, tant et si bien qu'il était difficile de croire qu'il s'agisse bel et bien d'un volcan. Celtica s'était attendu à découvrir des terres désolées et stérile où aucune vie n'était possible. Pourtant, la faune et la flore qui y prospérait heurtaient violemment toutes les images qu'il se faisait de ces dômes pourvoyeurs de mort. Le sol n'était même pas chaud !

     Les arbres exotiques élevaient haut dans le ciel leurs ramures, des écureuils s'élançaient de branche en branche, jetant sur le duo un regard curieux. De gros oiseaux laissaient éclater leurs voix, dans un concert de cris plus ou moins harmonieux. Passé les vrombissements des moustiques, le spectacle restait enchanteur. Celtica se délecta de ces bruits inédits, de ces couleurs chatoyantes, de ces odeurs obsédantes.

Le Chant des Astres - Tome 1 : Le Verset du FeuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant