18 Machinations (1/3)

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   Assis au sommet du palais d'Estalis, Sabik, le Serpentaire contemplait les étoiles. Elles émettaient une étrange lueur, opaline, tremblotante. Elles semblaient sur le point de s'éteindre. Elles se mourraient, apparemment. La peur les étreignait, comme rarement elle étreignait les mortels. Elles étaient perturbées. Là-haut, dans la voûte céleste, elles Chantaient. Leurs délicates harmonies avaient disparu, laissant la place à l'incertitude. À la supplication.

   Sabik se riait des étoiles. Petites lucioles prises dans cette mer d'encre, elles ne pouvaient l'atteindre. Leur Chant, par contre, devenait menaçant. Plus clair. Plus audible. Quelque chose de terrible venait de se produire, et les dieux délibéraient. Le Serpentaire doutait qu'ils prennent une décision si rapidement. Les éléments s'étaient réunis, mais la vedette s'en était retournée en coulisses.

   Sabik s'allongea et tendit la main vers la voûte étoilée. Elles finiraient par se calmer, lorsque les dieux comprendront que le danger était écarté. Pour le moment, tout du moins. Elles pouvaient toujours gémir, Mérénos ne se précipiterait pas. Jamais il ne commettrait une telle erreur.

   Et Sabik souriait. Ce n'était pas vraiment ce qu'il avait prévu, mais ce n'était pas plus mal. À présent, plusieurs options s'offraient au prince vagabond. La plus importante était de rester en vie. Sa mort libèrerait Ironie de ses contraintes puis elle se choisirait rapidement un nouvel esclave. Si ce n'était pas un Noblargent, le Brasier s'écroulerait sur lui-même, dans un splendide déferlement de fureur divine. Si c'était un Noblargent, le Chant retentirait de nouveau. Et tout serait à refaire.

   Sabik entendit des pas derrière lui. Il perçut la signature magique de Risha et d'Algiedi, rentré plus tôt dans la journée. Le Poisson s'installa près de lui, le Capricorne resta derrière.

   — Tu crois qu'elles vont se taire, maintenant ? demanda le plus jeune des deux.

   — Je crois que nous avons obtenu un sursit. Bien joué, Algiedi.

   Le démon rouge ne dit rien, mais le Serpentaire savait que son compliment l'avait touché. Il se tourna vers l'aîné.

   — Pourquoi ne l'as-tu pas tué ?

   — La mort... ne devrait pas être distribuée aussi facilement, lâcha-t-il.

   — Tu es trop téméraire, Algiedi. Lui n'aurait pas hésité, s'il en avait eu l'occasion.

   — Je ne la lui ai pas laissée.

   — Sheratan m'a tout raconté, poursuivit leur chef. Je sais aussi que tu es passé voir Mérénos.

   Le Capricorne ne dit rien. Sabik ressentit sa gêne, comme s'il l'exprimait lui-même. Cette hypersensibilité avait parfois du bon. Le reste du temps, c'était dérangeant. Mais contrairement aux autres démons, il était capable de se couper seul de son tribut.

   — Oui, avoua finalement le démon rouge.

   Le cadet se leva vivement et se tourna vers son frère.

   — Il t'a encore...

   Algiedi retira le vêtement qu'il portait pour leur montrer son dos. De longues lignes grises serpentaient sous sa peau, se mouvaient avec paresse. Ce devait être douloureux.

   — Oh non... souffla Risha.

   — Il y en a une de plus, constata tristement Sabik. Je peux te soulager, tu sais.

   — Il le saurait, rétorqua sobrement le Capricorne en se rhabillant

   Les frères ne portaient pas leurs armures. Tous les deux avaient décidé de prendre un peu de repos dans le château abandonné, là où se réunissait l'Ordre lorsqu'ils n'étaient pas en activité. Une sorte de chez-soi, en somme.

Le Chant des Astres - Tome 1 : Le Verset du FeuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant