Le Chant des Astres - Tome 1 : Le Verset du Feu

46 Le sanctuaire (3/3)

     La musique s'évanouit dès qu'elle retentit. Les hautes colonnes, les voiles, le piédestal et même Ironie perdirent de leur consistance. Celtica suffoqua, son lien avec l'épée se rompait !

     — Celtica !

     Le prince se retourna et ouvrit largement la bouche. Deux Vlad lui faisait face : l'un évanoui sur le sol et l'autre complètement nu, bel et bien debout. Derrière lui, Cléon se précipitait sur le marquis au sol, sans voir le second. Ses cris lui parvinrent comme à travers un mur épais. Terrifié, Vlad ne fit pas attention à elle et pointa Celtica du doigt.

     Un affreux doute s'empara du jeune homme. Il regarda ses mains, ses bras, son corps. Plus un seul vêtement, pas davantage de chaussures... et étendu à son côté, son double. Inerte. Il sursauta et poussa un hurlement. Comment pouvait-il être ici... et là ? Il contempla longuement son autre lui, partagé entre l'effroi et la fascination. Il vit Cléon courir vers lui et il écarta grand les bras pour l'accueillir. Ils se refermèrent sur le vide. Elle le traversa comme s'il n'avait jamais existé !

     Il sentit ses petites mains le manipuler alors qu'elle retournait son autre soi. Puis la chaleur de la pyrolithe l'envahit. Vlad fit quelque pas vers lui et tendit la main. Celtica la saisit... sans passer à travers. Secoué d'un rire nerveux, le marquis palpa les doigts de son ami, comme pour se rassurer.

     — Je ne suis pas fou, hein ? Dis-moi que je ne suis pas fou !

     Des larmes perlèrent aux coins de ses yeux verts. Ses cheveux détachés se déployaient sur ses fortes épaules, lui donnaient un air enfantin. La panique menaçait de l'engloutir, mais Celtica ne possédait pas même le début d'une explication !

     — Je...

     — CE N'EST PAS LA FOLIE, ARROGANTS MORTELS.

     Celtica tressaillit. Cette voix le figea, le cloua au sol. Comme il aurait voulu ne jamais plus l'entendre ! Lentement, il se tourna vers le piédestal. De tous les éléments de la pièce, le hibou était le seul à avoir gardé sa consistance, à ceci près : ses plumes de cuivre et d'améthyste frémissaient de vitalité. La créature agita ses ailes et se posa devant les deux hommes. Dans un rare geste de courage, Vlad tira le prince derrière lui et bomba le torse.

     — Vlad, souffla Celtica, c'est Araane.

     — Araane ! s'étrangla le marquis. Par tous les dém...

     Le jeune homme posa une main sur sa bouche pour l'empêcher de terminer sa phrase. Inutile d'ajouter de l'huile sur le feu en jurant ! Le hibou se métamorphosa en une superbe femme, puis s'intéressa à Cléon et à Risha, qui s'affrontaient en vain. Dans un sursaut lucide, Celtica s'agenouilla et obligea Vlad à l'imiter. Alors la déesse se tourna vers eux.

     Contrairement à leur dernière rencontre, elle paraissait moins vindicative. Au moins, elle ne les menaçait pas... tout du moins, pas encore.

     — LEVEZ-VOUS.

     Ils obtempérèrent. Celtica sentit Vlad trembler de tous ses membres près de lui. Être nus comme des vers face à une déesse furieuse ne leur octroierait pas la bravoure nécessaire pour lui tenir tête ! À nouveau, elle se tourna vers la jeune fille et le démon.

     — COMME ELLE A GRANDI, murmura-t-elle.

     Le prince se glaça. Ses doutes, ses craintes s'avéraient. Et elle affrontait Risha. Devant sa mère. Si elle se blessait, Araane tiendrait-elle Celtica pour responsable ?