À l'extérieur régnait un soleil de plomb, d'ordinaire si rare en automne. Mais à l'intérieur, se dressait un glacier. Eickœs, debout dans un coin, observait les quatre généraux. Des hommes aux tempes grisonnantes, à la stature impressionnante. Chacun d'eux en avait vu, bien des guerres. Personne ne saurait les impressionner. Enfin, personne sauf Hayne.
Le prince les jaugeait en silence. Il avait ce sourire énigmatique, léger et sans joie. Une aura qui aurait rendu timide le plus aguerri des conquérants. Hayne avait de la grâce, du charme, de la subtilité. Tout le contraire de son père adoptif ! Pourtant, les deux hommes n'étaient pas si différents l'un de l'autre. Ils savaient maintenir l'attention. Ils ne possédaient pas le même style, mais ils partageaient cela. Le pouvoir, le vrai.
Vêtu d'une armure de cuir, renforcée ci et là de plaque de métal, il paraissait plus redoutable que jamais. Des neutralithes avaient été incrustées autour de son col et de ses poignets. Il serait bien protégé contre la magie. Un heaume élégant attendait que son propriétaire l'enfile pour la bataille. Pour l'occasion, le prince s'était attaché les cheveux en chignon, sans amoindrir ce curieux pouvoir d'attraction.
Eickœs s'amusa des visages renfermé, crispé des généraux. Sa seigneurie n'avait encore rien dit, et ils étaient déjà tous dans leurs petits souliers. Le page de Hayne se tenait en retrait, attentif. Lui aussi avait revêtu l'armure, mais il ne participerait sans doute pas aux conflits.
Dans ce silence glacial, les bruits des hommes qui ferraillaient pour de faux, leur parvenait avec une rare intensité. Leurs pointes perçaient peut-être plus efficacement ces quatre hommes coincés ici avec leur maître absolu qu'en combat singulier. Il ne les plaindrait pas. Ces hommes étaient les ennemis de Port Lumis, l'obstacle qui se dressait devant la vraie liberté. Devant son monde. Son idéal. Ces hommes mettaient Cléon en danger. Et c'était inadmissible.
Depuis qu'il avait été capturé, il n'y avait pas une seule nuit, pas un seul jour où il ne rêvait pas de les égorger pour reprendre sa liberté. Il serra dans sa main le bout d'Ironie qu'il conservait comme le plus précieux des trésors. Mais elle refusait toujours de mordre sa chair. Cet acte était essentiel pour qu'elle le reconnaisse. Pour qu'elle l'estime. Il avait besoin d'elle, et elle de lui. Ils étaient faits l'un pour l'autre, il le savait, il le sentait du plus profond de ses tripes. Mais elle se refusait à lui.
Que devait-il faire pour qu'elle le voie ? Que devait-il faire pour qu'elle se livre à lui, sans retenue aucune ?
— Sauf votre respect, Votre Altesse, mais vous ne devriez pas participer à...
— Je ne devrais pas ? Et en quel honneur, je vous prie ?
Les trois autres généraux se mirent à contempler le bout de leurs bottes, soudainement devenus très intéressants. Eickœs sourit. Hayne n'était pas un homme explosif, mais corrosif. Il avait pu s'en rendre compte pendant son séjour. La suite promettait d'être divertissante.
— Je voulais dire, Votre Altesse, vous pourriez devenir la cible privilégiée de ces...
— Mais je l'espère bien, mon ami. Je l'espère bien. Ainsi, je démontrerai toute l'étendue de l'incompétence de vos hommes. Et, je puis vous l'assurer, vous ne rentrerez pas comme des héros. Je ne fuirai pas face au danger, et vous ferez de même. Si ma tête tombe, les vôtres tomberont aussi. Et plus encore, vos familles vous suivront dans les royaumes de Mérénos, si elles ne veulent pas vivre dans le déshonneur.
Un silence de mort s'abattit. Le page lança un regard inquiet à son prince, mais ne bougea pas d'un cil. Le petit connaissait son travail.
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Le Chant des Astres - Tome 1 : Le Verset du Feu
FantasyDe l'autre côté de la voûte céleste Chantent les étoiles. Elles content une querelle millénaire qui oppose les dieux. Une fabuleuse épée, Ironie, est au centre de toutes les préoccupations, car son nom est synonyme de destruction. Pour retarder l'in...