« Un douloureux acharnement »
Je n'ai jamais possédé de grandes richesses, mais ce que j'avais, je le devais à mon dur labeur. J'ai tout bâti de mes propres mains. Ma maison, mon exploitation, mes amis, ma famille. Nul n'avait le droit de me les retirer. J'ai sué sang et eau pour obtenir ce que j'avais, pour protéger ceux que j'aimais. Que ces misérables pourrissent dans les royaumes de Mérénos...
Le jour de mes vingt ans, mon père m'accompagna au château du seigneur local. On m'y félicita chaleureusement d'avoir enfin atteint l'âge adulte. Beaucoup de jeunes avaient été appelés au chevet de Mérénos cette année, à cause de la peste et des mauvaises récoltes. Mais le dieu de la mort n'avait pas voulu de moi, et j'en retirais une certaine fierté. Pendant deux jours, je fus mis à l'honneur, on organisa une belle fête. Tout le village y était présent. Il y avait de la musique. De la bonne nourriture. On dansait, on riait, on chantait. Le vin coulait à flot, la nuit s'emplissait de nos festivités. J'étais enfin adulte ! À moi la nouvelle vie !
Alors que je riais et buvais avec mes amis qui me promettaient de venir m'aider à construire ma ferme, j'aperçus la fille du boulanger, celle que je rêvais de courtiser. Nos amours à nous, les paysans, étaient moins formels que celles des nobles : nous épousions qui nous voulions, sans soucis de caste ou d'influence. Mais je savais que, pour obtenir la main de ma belle, il fallait posséder un toit et un début d'exploitation. Je n'étais pas le seul à la convoiter. Il fallait faire vite.
Un mois plus tard, j'avais une maison de bois, fragile, mais étanche. Le mois suivant, j'avais remplacé les murs de bois par des murs plus solides, en pierres grossièrement taillées. J'avais acheté trois vaches et un vieux taureau, quatre poules et un coq. Je commençai alors ma cour qui dura presque deux ans avant que son père ne m'accorde enfin sa main. Nous fêtions nos noces trois jours plus tard.
Tout ce que je touchais me comblait de bonheur. Ma ferme prospéra rapidement, mon blé moulu servait à confectionner les meilleurs pains de la région, que même les plus grands seigneurs réclamaient à leur table. Mon troupeau s'agrandit avec l'arrivée de deux veaux, un mâle et une femelle, des poussins sortirent de leur coquille. Et mon épouse attendait notre premier enfant.
L'hiver et son froid épouvantable arrivèrent, les barbares de l'est, assoiffés de conquêtes, mugissaient à la frontière. Cependant, j'étais confiant, l'Arcane demeurait puissante, indestructible. Notre bon roi nous sauverait de ces sauvages belliqueux. J'avais confiance.
Ma femme accoucha au printemps d'une petite fille. J'avais cru être heureux avant, je me trompais. Le bonheur arrivait maintenant. C'était une enfant éveillée, avec de grands yeux curieux. Je l'ai aimée dès les premiers instants. Ma fille, ma petite fille. La fierté et la joie gonflaient ma poitrine.
Au fils des jours, des semaines, des mois, je développai une musculature que beaucoup enviait. Ma force me permettait d'accomplir des travaux que certains qualifieraient de colossaux. Mais je n'ai jamais usé de mes bras pour autre chose que les travaux quotidiens. Je ne voulais pas que ma force serve de mauvaises intentions. Il y avait trop de voleurs, trop de malhonnêtes, trop de violences. J'avais une fille, désormais, je voulais qu'elle voie ce qu'était quelqu'un de bon. Une vie honnête, il n'y avait que ça d'important.
Lorsque ma fille eut deux ans, ma femme attendait notre second enfant. Cette année fut rude. Les barbares de l'est frappaient à notre porte. Pour soutenir l'effort de guerre de notre roi bien-aimé, il nous avait fallu verser plus d'impôts. En toute bonne foi, je n'avais rien contre le fait d'entretenir notre valeureuse armée, mais il ne nous était rien resté. Ces impôts tombaient plutôt mal, l'année beaucoup trop pluvieuse avait gâté les récoltes avant leur maturation. Nous n'avions presque plus rien à manger, presque plus d'argent pour acheter des réserves.
VOUS LISEZ
Le Chant des Astres - Tome 1 : Le Verset du Feu
FantasiDe l'autre côté de la voûte céleste Chantent les étoiles. Elles content une querelle millénaire qui oppose les dieux. Une fabuleuse épée, Ironie, est au centre de toutes les préoccupations, car son nom est synonyme de destruction. Pour retarder l'in...