13 L'âge des choix (3/3)

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   Au beau milieu de la nuit, Celtica fut réveillé par une cuisante douleur dans ses doigts. Sa cicatrice le brûlait avec une rare intensité ! Il se redressa et chercha du regard quelque chose qui pouvait ressembler de près ou de loin à de l'eau. Une petite bassine, là-bas, sous la fenêtre ferait parfaitement l'affaire ! Il sortit du lit et se dirigea vers la bassine, toujours remplie d'eau. Il y plongea sa main, et grimaça. Les premiers instants n'étaient pas agréables, mais très vite, la sensation de brûlure s'estompa. Malheureusement, il savait qu'au moment même où il retirerait sa main, la douleur reparaîtrait.

   Il regarda par la fenêtre. La lune opaline conférait à la nuit une aura dérangeante. Quelque chose n'allait pas. Pourtant, c'était toujours la même lune, la même nuit que tous les soirs. Il ne se l'expliquait pas. Pas plus qu'il ne s'expliquait la soudaine envolée de sa fatigue, alors qu'il n'avait pas l'impression d'avoir dormi. Par contre, il se sentait irrémédiablement attiré par l'extérieur. Il y avait quelque chose... Il devait y avoir quelque chose...

  Il ressortit sa main de son bain, et comme il l'avait prévue, la douleur reprit ses droits. Il chercha une chaussette propre dans son sac, la trempa et la noua autour de sa main. Puis il enfila sa chemise, une nouvelle paire de chaussettes et ses chaussures. Il était très probable qu'il sorte pour rien, mais il n'avait plus sommeil, de toute manière. Il attrapa son sabre, glissa à son majeur droit sa chevalière. Il ne pensait pas qu'on le reconnaîtrait en pleine nuit, même avec un tel bijou. Mais il éprouvait le besoin bizarre de l'arborer à nouveau.

  À pas de loup, il se glissa hors de l'auberge endormie et s'aventura dans les rues désertes. Le fond de l'air était humide, mais un vent tiède balayait le village. Son anxiété sembla s'alléger, au fil de ses pas. Celtica regrettait la tournure de la discussion. Vlad ne pensait qu'à son bien-être, et veillait sur lui sans faillir. Il faudrait qu'il lui présente ses excuses, et qu'il lui fasse comprendre l'importance de retrouver l'épée de nacre et d'obsidienne. Avec patience et tact.

  Son instinct le mena jusqu'au marché du village. Il s'agissait d'une immense place couverte et entourée de mur. À l'intérieur, des colonnes en bois maintenaient la toiture, dans un coin étaient entreposés des tréteaux et d'épaisses planches. Celtica s'avança au centre de la pièce et alluma la torche centrale. Elle éclairait peu, et gardait dans la pénombre tout le pourtour extérieur. Ce lieu avait quelque chose d'étrange, presque une aura mystique. Le prince ne s'y sentait pas très à l'aise, mais la curiosité l'emportait, comme toujours, d'ailleurs. Il n'avait encore jamais vu de marché couvert, ce devait être une particularité augustrienne.

  Les poteaux en bois étaient grossiers et fendus, mais aussi décorés de motifs ciselés et peints de vives couleurs. Le plafond était relativement haut, une poutre central traversait la pièce, et soutenait très probablement l'ensemble de la structure. Elle était aussi décorée, et semblait en bien meilleur état que les poteaux.

  Des bruits de pas résonnèrent, Celtica se retourna vivement. Son cœur fit un unique bond, sa cicatrice se mit à le brûler intensément, malgré son pansement humide. Un jeune homme, d'à peu près le même âge que lui, s'avançait tranquillement. Ses longs cheveux d'argent flottait derrière lui, légers et souples. Une épée dans sa main droite, et à sa main gauche...

  Ironie !

  Le prince tira doucement son sabre au clair. Il ne pouvait pas croire un seul instant qu'il n'était pas rempli d'intentions belliqueuses. Il avait Ironie ! Et il avait tué avec elle ! C'était ce que lui avait dit Sabik. L'idée que cette épée délicate ait pu ravir la vie d'un être vivant le révulsait. Elle l'appelait. Elle pleurait.

Le Chant des Astres - Tome 1 : Le Verset du FeuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant