23 La lettre (2/3)

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     Lorsque Falmin la quitta, elle se sentit plus légère. Sa fièvre envolée, et elle l'espérait pour un bon petit moment, elle profita de sa vitalité retrouvée pour prendre un peu soin d'elle. Renouer avec elle-même. Après un court – mais ô combien savoureux ! – passage par la baignoire, elle enfila un simple pantalon et une chemise tout aussi sobre, puis sortit pour une première ballade en deux bonnes semaines de convalescence.

     Le ciel d'un blanc lumineux se noircissait à l'horizon. La pluie arrivait, peut-être même l'orage. Elle serait la bienvenue, la journée s'annonçait étouffante. Dans tous les sens du terme ! Déjà, les amis de son père se précipitaient vers elle dès qu'ils l'apercevaient. Elle reçut avec patience leur salutation, leurs petits mots d'encouragements. Sincères, ils lui faisaient part de leur inquiétude pour elle, et combien ils étaient ravis de la voir en forme.

     Et, fatalement, il fut aussi question de Celtica.

     Cléon cachait derrière son sourire le désarroi qui revenait la tourmenter. Non. Cette fois-ci, il s'agissait de la colère.

     — J'suis bien content qu'il soit parti, celui-là ! lui confia l'un d'eux. Ces chiens d'impériaux ont pas leur place à Port Lumis !

     — Tu dois être soulagée, ajoutait une autre. Un homme pareil !

     — Qu'est-ce que tu veux dire ? se braqua la jeune fille.

     La femme se pencha sur elle, avec un air de conspiratrice.

     — On l'a vu rôder autour de ta maison quand ton père était absent.

     Cléon ouvrit de grands yeux. Qu'essayait-elle d'insinuer ?

     — C'est un ami, c'est normal qu'il passe me voir...

     — Oh, détrompe-toi ! reprit l'homme. Il s'est toujours arrangé pour se retrouver tout seul avec toi. On raconte d'ailleurs que c'est à cause de lui que tu t'es retrouvée dans cet état-là...

     — Quoi ? C'est n'importe quoi ! s'offusqua Cléon. Il s'est toujours montré charmant ! Qui vous a raconté ça ?

     Les deux échangèrent un regard mais n'en dirent pas plus. Excédée, Cléon reprit sa route, sans leur adresser un mot de plus. De quel droit se permettaient-ils de juger Celtica ? Qu'en savaient-ils, d'ailleurs ? Certes, il ne s'était pas montré très correct en partant sans lui dire au revoir, mais tout de même... De là à insinuer qu'il avait été brutal ! C'en était trop !

     Après cet incident, Cléon ne voyait plus les autres de la même manière. Ils ne venaient pas à sa rencontre avec l'envie de lui exprimer leur sympathie, oh non ! Le prince incarnait toutes leurs frustrations ! Si la jeune fille ignorait comment s'étaient déroulées la capture de Faranan et la réunion qui la précédait, elle savait que les Lumissiens s'entredéchiraient depuis. Il n'était jamais évident de faire fonctionner ensemble tout ce beau monde, mais son père avait toujours su les fédérer. Cependant, le ciment se détériorait. Sans lui, ils étaient comme des fourmis sans leur reine. Déroutés et désordonnés.

     Et là arrivait Celtica ! Les Lumissiens n'appréciaient pas les familles dirigeantes, et encore moins que l'un de leurs membres vienne s'immiscer dans les affaires du port. Hélas, la maladie de Cléon servait à nourrir toutes les thèses, des plus sensées aux plus extravagantes. Elle se refusait d'étayer leurs théories ! Elle n'était pas la preuve d'une pseudo-violence prêtée au jeune homme ! Ils ne le connaissaient pas, il n'y avait pas plus doux, plus compréhensif que lui !

     Celtica... lui manquait. Cette lettre, il fallait qu'elle la retrouve. Coûte que coûte. Falmin ne mentait jamais, il en était tout simplement incapable ! Ce message existait, et maintenant, elle brûlait d'en découvrir son contenu.

Le Chant des Astres - Tome 1 : Le Verset du FeuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant