07 Le Verset du Feu (3/3)

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   Tout était silencieux et froid.

   Exodica s'avançait seul dans le mausolée de la famille impérial, qui avait été construit profondément sous le jardin. Les tombes y étaient alignées en rangées parfaites, tous les membres de la famille élargie des Noblargent s'y trouvaient. Et un jour, il irait les rejoindre.

   D'un pas emprunt de déférence, il parcourut l'allée centrale, une simple torche à la main, car les magilithes et la magie étaient considérées comme impures pour les défunts, et troubleraient leur repos, très souvent bien mérité. La maison de Noblargent n'avait pas à souffrir du manque d'honneur de ses membres, et presque chacun s'était admirablement démarqué lors de leur vivant. Celui-ci fut un extraordinaire peintre, celui-là là-bas a remporté plus de victoires que de jours dans une année, encore un autre avait fait don de toute sa fortune pour aider les défavorisés à survivre pendant un hiver particulièrement cruel. Chacun d'eux méritait leur place ici et parmi les grands hommes et femmes qui constituaient la gloire du Brasier. Exodica ignorait s'il serait jamais à leur hauteur, et il ne pouvait que continuer à humblement révérer ses ancêtres.

   Non. Il serait le pire d'entre eux.

   La mort dans l'âme, il avança jusqu'à la tombe de son épouse bien-aimée et déposa sur la pierre froide un unique brin de lilas, symbole au Brasier d'un tendre amour. Elle était décédée bien trop tôt. Il caressa du bout des doigts les lettres rouges de son nom. Yéline de Noblargent, impératrice du Brasier. Comme il souhaitait prononcer encore son nom ! Sa voix lui manquait cruellement. Et ses bons conseils aussi. Et dire qu'il avait laissé leur fils unique, qu'ils avaient eut tant de mal à concevoir, seul, dans un pays étranger. Qu'en penserait-elle ? Elle le sermonnerait, très certainement, et le dissuaderait d'aller au bout de ce qu'il prévoyait de faire. Mais pour Celtica, il était prêt à tous les sacrifices.

   Il lui souhaita un bon repos, embrassa le bout de ses doigts et toucha la pierre. La quitter à nouveau était un véritable déchirement, mais il devait partir.

   Au fond de cette immense pièce, se trouvait une porte, lourde et solide qui ressemblait plus à un élément décoratif qu'à un véritable passage. Et pourtant, Exodica ne ralentit pas son allure. Près de la porte se trouvait un démon en armure rouge sombre, un heaume aux cornes droites et aux vagues aspects caprins recouvrait sa tête, une cape plus sombre encore volait dans son dos. Algiedi, le Capricorne, l'un des plus distants membres de l'Ordre Zodiacal, et le frère aîné de son cher Risha.

   Le démon exécuta un court salut et se plaça devant la porte.

   — Êtes-vous prêt ? demanda-t-il.

   — Il le faut, mon ami.

   — Vous ne devriez pas. Je sais de quoi je parle.

   — Mais avec vous à mes côtés, que pourrait-il bien m'arriver de fâcheux ?

   Algiedi eut une exclamation aigre et ouvrit la très lourde porte. Empereur et démon pénétrèrent dans une salle parfaitement carrée, vide et plus sombre encore. Leurs pas résonnaient crûment, et semblaient provenir de toute part. Exodica ne s'arrêta qu'au centre exact de la pièce, alors qu'Algiedi s'afférait à allumer des bougies autour de lui, créant un cercle parfait qui révélait peu à peu une sinistre mosaïque à la gloire du dieu de la mort.

   — Donnez-moi votre canne.

   Exodica obéit. Il avait choisi le Capricorne pour l'accompagner car il était avant tout le serviteur de Mérénos. Il retira ses bottes, se débarrassa de sa veste impériale, de son pantalon et de tous ses bijoux pour ne garder qu'une simple chemise et son sous-vêtement. Puis il s'agenouilla péniblement pendant qu'Algiedi faisait disparaître ses effets dans l'ombre.

Le Chant des Astres - Tome 1 : Le Verset du FeuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant