09 Confession au coin du feu (3/3)

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     Eickœs regardait le village brûler, alors que ses hommes rassemblaient leur butin. Ce n'était pas le premier qu'ils incendiaient, et certainement pas le dernier. Ces gens, tous inutiles. Rien que des paysans sans dignité, ni sens de l'hospitalité. Mais ce n'était pas pour ça qu'il l'avait mis à sac.

     Ironie, logée dans sa main droite, ne réagissait pas.

     L'épée légendaire pesait lourd et refusait de montrer toute sa puissance. Lorsqu'il l'abaissait sur n'importe quelle victime, elle glissait sur sa peau comme de l'eau sans causer la moindre blessure. Et cette marque de sang n'avait toujours pas disparue. Dans l'espoir de comprendre cette arme magnifique, mais inutile, il attaquait des villages isolés en rejoignant Verteville, où était installé leur quartier général. Ces paysans ne manqueraient à personne.

     Le jeune homme tourna les talons pour rallier la seule maison qu'ils avaient épargnée pour passer la nuit. La frustration l'envahissait. Il fallait percer à jour tous ses secrets, il devait devenir le maître d'Ironie ! Aljinan savait qu'il y avait quelque chose qui se rattachait à elle, une sorte de ritournelle qui l'angoissait. Il l'avait lu dans ses différents rapports. Malheureusement, le chef était un homme prudent, et ses documents étaient tous rédigés dans une langue étrangère, ou dans une langue cryptée dont il ne possédait aucune clef. Il n'était pas parvenu à accéder au fond de ses réflexions.

      Rageusement, il tira une chaise et s'assit. Cette épée était dangereuse, il le sentait, mais comment révéler l'intégralité de son potentiel ? Si les Noblargent la cachait jalousement, ce n'était pas parce qu'elle n'était qu'un simple objet décoratif ! Eickœs avait plus ou moins compris que cette chanson la reliait à la mort du monde, mais il n'y avait pas que ça. La puissance. Oui, la puissance. Celle qui lui garantirait la tête de Port Lumis, celle qui galvaniserait son armée pour conquérir le sud, remonter doucement vers le nord et enfin marcher sur Nar'y après avoir réduit la maison d'Arcane en cendres.

     Beaucoup partageait ce doux rêve. Mais personne n'avait les capacités de les mener à bien. Il ne le faisait pas pour lui, mais pour elle. Les d'Arcane la menaçaient, les dieux la menaçaient, les mortels la menaçaient. Il voulait lui créer un monde où elle serait libre de vivre, d'aimer.

     Lui-seul pouvait le construire. À condition qu'Ironie y participe plus... activement.

     Machinalement, il se mit à gratter le sang sécher sans pouvoir le retirer. C'était comme s'il s'était fondu dans la nacre. À qui appartenait-il ? Un ancien Noblargent ? Ou un homme qui aurait réussit à la plier à sa volonté ? À moins qu'il faille...

     Eickœs se leva brusquement et renversa sa chaise, appela l'un de ses hommes. Un petit type aux cheveux gras et à la barbe hirsute entra aussitôt.

     — Chef Épervier ? demanda-t-il, visiblement contrarié d'avoir été rappelé alors qu'il s'amusait dans le village.

     — La fille que tu t'es gardée, je veux que tu me l'amène sur-le-champ.

     — Mais j'ai pas fini de...

     — Alors tu finiras après ! Tu peux bien attendre cinq petites minutes, non ?

     — Mais... je voulais être son premier...

     — Va me la chercher. Tout de suite !

     La Perdrix sursauta et se précipita à l'extérieur. Eickœs ramassa sa chaise et se rassit, claquant la langue. Toujours à discuter ses ordres... Aljinan obtenait tout ce qu'il voulait sans avoir besoin de hausser le ton, bien qu'il le fît souvent...

Le Chant des Astres - Tome 1 : Le Verset du FeuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant