22 Retour à Estalis (2/3)

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     Vlad quitta le palais, l'esprit pas moins lourd. Il eut une triste pensée pour sa jument, laissée en Augustrie. Avec un peu de chance, elle serait vendue à un bon maître, qui la traiterait bien. Elle lui manquerait.

     — Vlad-Alexeï ! l'appela une voix bien connue.

     Telnim Demjak s'avançait à grands pas, un large sourire illuminait son visage.

     — Maître !

     Les deux hommes échangèrent une chaleureuse poignée de main.

     — Il est bon de te revoir en pleine forme ! Où est le prince ? Comment se porte-t-il ?

     — Vous n'étiez pas dans la salle du trône ? s'étonna le marquis.

     — Non, je viens d'arriver. Qu'y a-t-il, Vlad-Alexeï ?

     Vlad se passa une main dans les cheveux, se massa la nuque.

     — Son Altesse n'est pas revenue.

     Telnim croisa les bras, posa le bout de ses doigts sur sa bouche. À la pâleur qui envahissait ses joues, le marquis comprit qu'il s'était mal exprimé, que ses paroles avaient été mal interprétées.

     — Il est resté en Arcane ! s'empressa-t-il d'ajouter. Avec Aljinan.

     — Vraiment ? Pour quelles raisons ?

     — C'est une longue histoire, soupira le marquis.

     — Dans ce cas, vous me la raconterez ce soir, décida le maître d'armes dans un sourire. Je dînerai avec vous, pour ton retour.

     — Vous êtes toujours le bienvenu !

     Telnim le salua d'un geste de la main, et trottina vers le palais. Le maître était un homme toujours très occupé, toujours par monts et par vaux. Où dénichait-il toute cette énergie ? Vlad le regarda disparaître, puis prit la direction des écuries. Il lui faudrait un cheval pour rallier sa villa, et le sien... Il chassa cette pensée. Inutile de se torturer, il ne la récupérerait jamais.

     Il emprunta une monture solide et s'élança à travers Estalis, malgré la pluie qui fouettait son visage. Comme il lui tardait de rentrer ! Fort heureusement, les passants boudaient le marché à cause de la pluie, il pouvait ne jamais s'arrêter ! Il savoura, euphorique, les fines gouttes qui s'écrasaient sur son visage, le bruit des sabots sur le pavé, les montagnes de la belle Estalis ! Comme il aimait Estalis !

     En quittant la cité, il s'aventura dans la campagne. Même en automne, elle resplendissait, les arbres arboraient fièrement leurs feuilles écarlates, les champs se vidaient des dernières céréales de l'année. Les moissons s'annonçaient bonnes, le pays ne mourrait pas de faim cet hiver encore.

     Après une longue chevauchée sous une pluie battante, Vlad entra enfin dans son domaine. Les vergers d'été n'abritaient plus aucun fruit, seules les pommes résistaient encore aux cueillettes humaines. Tous ces fruits seraient transformés en confiture, puis vendues à la capitale. Selon toute vraisemblance, elles garniraient aussi la table impériale.

     Il dépassa à fond de train les hameaux de ses gens, et atteignit enfin sa demeure. Contrairement aux autres nobles, Vlad refusait d'habiter son château. C'étaient sa mère et son grand-père qui l'occupaient et géraient les affaires courantes du marquisat. Lui, il vivait en toute insouciance dans sa chère villa, parmi ses champs et ses troupeaux, auprès de ses gens.

     Un chien roux surgit de derrière la maison, tout en aboiements et fureur. Mais dès que le marquis posa pied à terre, l'animal changea aussitôt de comportement, lui sauta dessus, décora sa veste de boue, caressa ses joues de grands coups de langue. Les jappements joyeux attirèrent dehors les occupants de la maison.

Le Chant des Astres - Tome 1 : Le Verset du FeuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant