Yakuza

Chapitre 147

L'amour a toujours fait partie de ma vie. Notamment par rapport à mes parents, mes grands-parents, et mes amis. C'est un amour inconditionnel, celui qui vous suit toute votre vie. Je m'en suis toujours satisfait car je n'avais jamais imaginé que je puisse ressentir quelque chose de plus fort. Les émotions ont souvent été un problème à mes yeux et même maintenant, elles continuent de chambouler mon être. Je ne sais pas comment faire face à ces bouleversements. L'amour que j'éprouve pour Tōji est une des choses les plus difficile à contrôler. Ce sentiment me rend fou, impulsif, vulnérable et fragile. Je suis incapable d'être rationnel et de faire fonctionner correctement mon cerveau. Cela fait des semaines que je lutte contre ces pulsions. Avec tous ces évènements, je suis empli de doute. J'ai beau être rancunier et plein de haine, l'amour domine. Mon cœur saigne en son absence et lorsqu'il est là, je ne peux que succomber.

Peut-on dire que l'amour est un mal incurable ?

Mais c'est un bonheur réel. Et finalement, peut-être que cela a beau m'apporter toutes les souffrances du monde, je choisirai toujours ces miettes de joie.

***

L'océan est agité et les vagues volumineuses viennent s'écraser contre les parois rocheuses. Le temps n'est pas des plus clément et les nuages grossissent dans le ciel. J'observe l'étendue d'eau qui se trouve face à moi, les bras croisés et le menton relevé. Mes yeux se perdent dans l'horizon. Okinawa est un lieu sauvage et j'ai toujours adoré venir au bord de la mer pour reprendre pied. Dans les meilleurs jours, je venais affronter les vagues avec ma planche de surf et dans les jours les plus sombres, je me postais près des rochers en ruminant sur mon existence. Mais à chaque fois, je venais me perdre dans cet océan bleuté. En plus des nuages, le vent se mêle à la partie. Rugueux et violent. Il se déploie et fouette mon visage. Je reste de marbre.

Après le dîner avec le clan, j'ai passé quelques journées à réfléchir sur ma situation mais comme aucun horizon ne s'ouvrait à moi, j'ai pris la fuite pour me réfugier dans les bras de ma ville natale. Cela m'apporte un certain réconfort, sachant que je suis dans une zone de confort modelé par mes propres habitudes. Comme j'ignorais la durée de mon séjour, j'ai pris mon chat et posé mes bagages chez ma grand-mère. Elle est ravie de me voir, Hiriko aussi mais un peu moins par rapport à Tora. La cohabitation entre chien et chat se fait difficile, d'autant plus que Tora s'amuse à martyriser le petit caniche. Je dois jouer au papa sévère alors que ce rôle seyait très bien au yakuza.

Un soupir s'échappe de ma bouche. Tout revient constamment à lui. C'est inévitable, je suis condamné par mes sentiments. Et d'un autre côté, sans eux, je ne serais qu'une coquille vide. Pourrais-je un jour envisager le bon côté des choses ?

Je relève la tête en inspirant longuement. L'air frais s'engouffre dans mes poumons et m'apporte un souffle nouveau. En analysant la situation, Tōji est prêt à tout pour moi. Il me prouve son amour et se plie à toutes mes volontés. Pourtant, je n'arrive pas à digérer la rancune qui gronde dans mon cœur. Il m'a abandonné une fois, il pourrait bien recommencer si cela lui chante. J'ai survécu mais qu'en sera-t-il plus tard ?

Encore une fois, je patauge dans cette marée négative. Je me sens inondé par toutes ces possibilités sombres. Cela m'empêche d'ouvrir les yeux et de prendre le chemin que je souhaite emprunter.

Des mèches de mes cheveux virevoltent dans l'air et par moment, s'écrasent contre ma joue rosée. La température a beau chuter au fil des minutes, je ne bouge pas. Et bien que le froid s'installe sur ma peau et m'arrache des frissons à plusieurs reprises, je ressens cette vive chaleur qui loge dans mon bas-ventre. Le genre de truc qui te donne des bouffées de chaleur, une petite fièvre et des fourmillements aux bouts des doigts. Tu n'oses plus bouger par crainte que ce sentiment disparaisse. Et tu veux le vivre intensément.