Chapitre 125 : Réel

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« Il n'y a qu'un seul monde et il est faux, cruel, contradictoire, séduisant et dépourvu de sens. Un monde ainsi constitué est le monde réel. », Friedrich Nietzsche.

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Des sirènes. Des cris. De la poussière. Des hurlements déchirants. La lumière rouge des ambulances. L'odeur nauséabonde de l'incendie qui se répand partout en ville. Le bruit strident du bâtiment qui s'écrase sur lui-même. La fumée noir qui s'élève vers le ciel grisé. Les questions des journalistes à la police. Les ordres des héros qui tentent de calmer les gens qui n'ont pas encore retrouver leur proche. Le feu vivace qui crépite au loin. Le bruit de toux, le bruit de la souffrance, les bruits véritables que font toutes les catastrophes. Et moi ? Au milieu de toute cette pagaille, je ne suis que ce grain de sel jeté dans l'eau bouillante, je ne suis que cette minuscule fissure dans un mur attendant d'être démoli. Simplement assise à l'arrière d'une ambulance où je viens tout juste d'être soignée par un médecin qui ne savait plus où donner de la tête, j'observe en silence ce monde tourner trop vite pour moi, avec cette même impuissance que ressentent toutes les victimes d'accident, avec toutes ces questions qui se bousculent en moi.

Est-ce que j'aurais pu mieux faire ? Est-ce que des gens vont perdre un membre de leur famille, ou un ami, parce que je n'ai pas été assez attentive ? Combien de personnes vont se retrouver sans toit pour la nuit ? Combien d'habitations, de souvenirs, de vies j'ai détruits aujourd'hui ?

Soudain, je reconnais le visage endurci du lieutenant Kaoru, le mari de Fuyumi, filant tout droit dans ma direction avec sa démarche assurée de militaire et son costume semblable à celui d'un détective venant directement d'un thriller. Je le laisse venir à moi sans bouger les yeux de sa silhouette, comme si j'étais prête à accepter le moindre reproche qu'il pourrait me faire. Finalement, arrivé face à moi, il se pose sans demander son reste à ma gauche et pendant qu'il regarde ses subordonnées prendre peu à peu les dépositions des personnes présentes dans l'immeuble, je me tourne vers lui, recherchant son soutien des yeux.

« Tu te sens comment ? me demande t-il avec ce soupçon de sévérité qu'il lui correspond bien.

-Comme si j'étais une grillade sortant tout droit d'un barbecue.

Il me lance un regard neutre en gardant ses traits impassibles. Je le laisse donc me détailler en me reprochant intérieurement d'avoir fait de l'humour dans un moment pareil.

-Et ta main, ça va aller ?

Je relève ma main gauche, entourée d'un joli bandage blanc, qui s'est pris de plein fouet des flammes pendant ma recherche du bébé qui pleurait.

-Le médecin a dit que la brûlure n'était pas trop grave, ça guérira, tout comme ma joue.

Il dépose ses yeux sur ma joue gauche, où est collé un magnifique et épais sparadrap pour couvrir ma récente brûlure, avant que je ne l'entende soupirer profondément, ce qui ne lui arrive que très rarement.

-Et est-ce qu'il faut que je prévienne ma femme, qui tient beaucoup à toi, que ça va devenir une habitude pour toi de vouloir te tuer de façon spectaculaire ?

Je soulève les recoins de ma bouche.

-Non, surtout ne lui dis pas ça, sinon je vais l'avoir sur le dos pendant trois semaines au moins !

-A juste titre, si tu veux mon avis.

Je baisse lentement les yeux vers le sol goudronné.

-Kaoru.. Je.. Je suis désolée. Je ne savais pas que ça serait aussi dangereux.

L'Ombre et la Lumière (Shoto fanfiction)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant