Chapitre 70 : Abandonner

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« Il n'y a pas si longtemps que ça, j'étais persuadée que dans la vie, si on voulait s'en sortir, il fallait toujours lutter contre le courant, quelle que soit sa force. Mais tout bien réfléchi, vivre en se laissant porter, ce n'est peut-être pas si bête que ça, du moment que ça nous fait avancer. », Emile Zola.

*****


Finalement, après quelques secondes à regarder cette porte scellée, je pose à nouveau ma main sur la poignée, en me promettant à moi-même de rester forte, pour lui. Je pousse ainsi le battant, qui s'ouvre peu à peu tout en laissant apercevoir la pièce sinistre derrière.

Quand la porte est complètement ouverte, je m'engouffre lentement dans la chambre d'hôpital, et la première chose qui me frappe, c'est la froideur qui s'en dégage. Pendant un instant, je trouve qu'il y fait si froid que je me sens frissonner et lorsque je prends soin de refermer la porte dans un petit claquement sourd, mon sang se fige dans mes veines.

Devant moi se tient ce corps, inerte, enroulé dans de nombreux bandages, au milieu d'une pièce sans vie, sans un bruit, sans espoir. J'essaye donc de faire un pas mais mes pieds sont comme enracinés au sol quand je détaille un peu mieux ce que j'ai sous les yeux.

Je pensais de prime à bords, que la vision de Shoto allongé dans la neige, couvert de sang, serait la pire mais c'est finalement celle-ci : de le voir dans ce lit d'hôpital, comme figé dans le temps, avec cette ombre au-dessus la tête, cette ombre qui nous poursuit sans cesse, cette ombre qui attend patiemment notre dernier souffle : la mort, qui se trouve être la plus difficile et surtout la plus effrayante.

Quelques minutes plus tard, quand j'arrive enfin à bouger, je m'approche tout doucement. Je me retrouve, les secondes suivantes, devant son lit mais bien que je sache qu'il soit sous mes yeux, je n'arrive pas à baisser la tête pour le regarder. Je place alors une main sur mon visage, en retenant l'air qui essaye de s'échapper trop vite de mes poumons, mais rien n'y fait, un énorme souffle sort de ma bouche, le genre de souffle rempli d'émotions et qui est souvent suivi par des pleures. Puis, un quart de seconde après, des larmes roulent sur mes joues. Au fil du temps, elles se font plus nombreuses et tout mon corps tremble à ce moment de relâchement que j'aurais aimé éviter.

Pourquoi ça doit être toi ?

Mes yeux se posent alors sur sa silhouette endormi, avec ce visage qui ne laisse paraître aucune émotions, comme en dehors du temps et de l'espace, plongé dans un rêve si profond qu'aucun bruit ne pourrait le faire disparaître. Et cette fois-ci, ce sont mes horribles sanglots qui viennent briser la tranquillité qui régnait. En le voyant ainsi, en ne pouvant même pas entendre son souffle, je m'agenouille au sol, comme un geste de désespoir. J'écoute de cette manière les battements de mon cœur s'intensifier, le rythme de ma respiration augmenter, en pleurant le plus vite possible, le plus fort que je peux, à chaudes larmes, en me rappelant l'horreur d'avoir connu un jour Shoto sans vie.

Ca n'aurait jamais dû t'arriver.. Pas à toi, pas ici, pas maintenant. Tu ne mérites pas ça.. Tu dois vivre, tu dois sourire, tu dois être heureux. Pourquoi la vie te fait ça, à toi ? Pourquoi putain ?! Dites-moi pourquoi..

Je relève la tête vers le plafond et comme si je parlais à un dieu ou à une quelconque entité qui saurait me répondre, je cherche des réponses. Et devant le pathétique spectacle que je m'offre, je ferme les yeux. Un instant plus tard, je vois dans mon esprit mon frère, quand lui aussi était allongé dans un lit, quand lui aussi était sur le point de rejoindre un monde qui, je l'espère, ne ressemble en rien au notre.

L'Ombre et la Lumière (Shoto fanfiction)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant