Chapitre 106 : Cette nuit

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[Nahoko (An Unexpected Meeting) - Joe Hisaishi]
« De quoi souffre-t-il ?
- Je pourrais vous dire que c'est du cœur, mais il meurt de solitude. Les souvenirs sont pires que les balles. », Carlos Ruiz Zafón.

*****


Lorsque la porte est suffisamment écartée de son encadrure, j'entrevois une silhouette masquée par l'imposante lumière que reflète le couloir. Je laisse donc défiler les secondes, où la silhouette s'avance et finit par entrer dans ma chambre esseulée. Le battant se referme avant que ne s'allume la lumière au plafond. Tout comme hier, Shoto est là, habillé de son fidèle costume bleu. En tout premier lieu, je le sens indécis, sur le point de repartir, quand nos yeux se rencontrent et se perdent les uns dans les autres.

« Tu.. Tu es venu.

-Euh.. Ouais. »

Tout à coup, il se rapproche peu à peu en me montrant son expression la plus fuyarde jusqu'à ce qu'il soit en mesure de pouvoir me toucher. Là, il baisse la tête, ses cheveux bicolores lui tombant sur l'avant du front et d'une manière aussi détachée que désespérée, il me demande :

« Est-ce que ça va si je te porte ?

-Oui.. Je.. Pas de soucis. »

Il s'attelle donc à enlever consciencieusement le drap qui me maintenait au chaud, pour découvrir mon sweat et mon jogging qui paraissent chacun d'eux beaucoup trop grands pour moi. Shoto prend un instant pour m'observer, avec ses yeux qui dégagent une terrible aura douloureuse. Je l'entends soupirer, comme s'il se maudissait d'être venu, même s'il sait déjà qu'il est trop tard pour reculer. Il se penche ainsi vers moi, en m'attrapant avec le plus de douceur possible.

« Je.. Je vais essayer de ne pas te faire trop mal.. Accroche-toi bien, d'accord ?

-Oui, d'accord. »

Ses bras s'enroulent tout contre moi et je m'agrippe fermement à sa nuque en échange. Un instant plus tard, nos corps se touchent et je sens que je quitte le matelas. En réaction, tandis que Shoto tente de me repositionner le plus confortablement possible dans ses bras, mes membres tremblent, presque avec vulnérabilité, comme si mon organisme entier se devait de lui montrer, à travers des secouements, l'état qui est devenu le mien. J'expire donc lentement tout en coinçant plus correctement mes bras à l'arrière de sa tête et j'essaye, par tous les moyens, de profiter de ce moment où je le sens si proche de moi, contrairement à nos esprits qui me semblent être à des années lumières l'un de l'autre.

« Tu n'as pas mal au ventre quand je te tiens comme ça ? me chuchote t-il.

-Si mais c'est supportable.. Tu.. Tu peux y aller.

-Je vais essayer de faire vite. »

Je pose paisiblement ma tête sur son épaule droite et je remarque immédiatement qu'il se pivote, pour repartir dans l'autre sens. Ses pas sont réguliers, bien loin de me donner le vertige ou la nausée, je pourrais presque m'endormir juste en étant là, si agréablement tenue dans ses bras. Je me sens presque comme au paradis, en m'imaginant que je flotte au-dessus du sol, comme si la brutalité et la dureté de ce monde avaient laissé place à un écrin de tendresse, pendant ce traître moment.

Shoto arrive ainsi en face de la porte, et après avoir éteint la lumière, il sort de ma chambre. Le long du couloir vide, pendant qu'il accélère le pas pour nous amener aux escaliers de secours, j'écoute l'étrange silence qui vit dans ce lieu où des centaines de personnes ont vu le jour et où d'autres centaines ont donné leur dernier souffle. Je me demande ainsi, inconsciemment, comment se fait-il qu'un tel lieu, marqué par tant d'évènements, puisse être aussi silencieux, comme si la plus importante des paix y régnait en maître.

L'Ombre et la Lumière (Shoto fanfiction)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant