Chapitre 3: La cérémonie d'union

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Bélial entra sans se formaliser pour voir le chef de Sombresang se lever de son siège.
Il avait des cheveux bien plus pâles que ceux des autres, presque blancs, et son visage était parsemé de rides. Cependant, malgré son apparence vénérable, il était facile de discerner ses puissants muscles sous ses vêtements, et ses mouvements restaient souples et rapides, prouvant qu'il était encore l'un des plus puissants guerriers que comptait le village.

– Comme j'ai entendu Tyrian élever la voix, je suppose que vous vous êtes croisés... ricana l'ancien. Il y a pas à dire, vous formeriez un couple explosif, vous deux...

J'ai pitié pour vos futurs enfants...

– Me parle pas de malheur... grogna Bélial qui avait imaginé la scène avec dégoût. Bon, tu viens ? On a besoin de toi pour commencer !

Le chef ricana en sortant de chez lui et en lui faisant remarquer que c'était surtout elle qui avait mis tout le monde en retard.

Ils traversèrent ensemble le village, entraînant dans leur sillage plusieurs habitants qui comprenaient que l'événement tant attendu commençait enfin. Toutes les tâches furent abandonnées, car personne ne voulait manquer ce qui allait se passer. Ils se dirigèrent vers une ouverture dans un mur qui débouchait sur un couloir ne semblant pas à sa place dans ce village. Les rochers de la montagne laissaient place à des dalles sombres, enchâssées avec précision. Des porte-flambeaux ornés de gravures déplaisantes, représentant des démons massacrant des humains aux visages déformés par la douleur, ponctuaient ce passage qui semblait s'enfoncer jusqu'au cœur de la montagne.

Bien que l'ambiance se fit tout d'un coup plus oppressante, le groupe s'engouffra sans hésitation à l'intérieur, uniquement éclairé par les torches que quelqu'un avait installé à l'avance.

Au bout d'une minute de trajet, Bélial, qui ouvrait la marche, vit enfin le couloir éclore sur une large salle. Elle leva les yeux pour scruter le plafond situé à une dizaine de mètres au-dessus d'elle, constellé de représentations de démons en plein combat contre les autres races.

Par endroits, des stalactites pendaient, donnant l'impression que de nombreux couteaux attendaient le meilleur moment pour tomber sur leurs victimes. La jeune femme put les distinguer clairement grâce aux imposants braseros disposés un peu partout.

La barbare baissa les yeux pour examiner le reste des lieux. Elle avait beau connaître cet endroit, elle ne pouvait jamais s'empêcher d'être admirative face aux plus beaux travaux de ses ancêtres, avant qu'ils ne régressent à leur état actuel. Des gradins longeaient les murs, et de nombreux démons y étaient déjà installés, impatients que la cérémonie commence.

Au centre de tout cela reposait ce qui ressemblait à une arène carrée surélevée, encadrée par quatre large piliers presque entièrement détruits. Un symbole était présent sur le sol, mais il était dur de le discerner à cause des stalagmites qui formaient des obstacles plus ou moins grands à prendre en compte quand on se déplaçait.

Si on oubliait la porte inviolable, cette salle était de loin la chose la plus ancienne de tout Sombresang, dotée d'une fonction oubliée depuis bien longtemps. À présent, les démons ne s'en servaient plus que pour les cérémonies qu'ils avaient créées au fil des siècles, comme celle qui allait commencer.

Le silence n'était perturbé que par le son des gouttes tombant des stalactites et les murmures des démons.

Bélial monta sur l'arène, accompagnée du chef, et rejoignit Tyrian qui l'attendait en fulminant. Elle ne lui adressa qu'un haussement d'épaules désabusé et tourna son attention vers les gradins. Elle repéra vite sa mère qui lui rendit un sourire qui pouvait vouloir tout dire. Elle se doutait déjà du résultat de la cérémonie, elle attendait juste de voir le spectacle.
Le chef du village se plaça entre les deux jeunes gens, un peu en retrait, et attendit que tout le monde s'installe. Il s'éclaircit alors la gorge et commença son discours.

– Mes amis, nous sommes tous réunis ici pour assister à une nouvelle cérémonie d'union. Comme vous le savez tous, toute femme atteignant l'âge de seize ans doit affronter un prétendant sur le jour de son anniversaire. Si c'est lui qui gagne, la cérémonie continuera pendant trois jours, et ils seront mariés à la fin. Si c'est elle qui gagne en revanche...

– Vu ses cinq dernières participations, c'est plutôt une question de quand... soupira la mère de Bélial.

– Mouais, pas faux... marmonna son premier adversaire.

– Faut avouer... reconnut le troisième.

– J'ai déjà tenté ma chance, et maintenant, mon genou me fait mal dès qu'il pleut... admit le quatrième.

– Une vraie brute, cette fille...

Continue sur ta lancée, et tu auras découragé tous les hommes du village...

Alors que le brouhaha commençait à prendre de l'ampleur, le chef les rappela tous à l'ordre avant d'enchaîner.

– Comme je disais, si...

Il appuya son regard sur la mère de Bélial qui lui fit signe qu'elle avait déjà dit ce qu'elle avait à dire.

– ... c'est elle qui gagne, la cérémonie prend tout de suite fin, et on recommence l'année d'après. Pour gagner, il suffit de rendre l'autre inconscient, le forcer à reconnaître sa défaite, ou le pousser hors de l'arène. Les armes sont autorisées, mais celui qui tuera son adversaire sera immédiatement banni du village. Est-ce que vous avez des questions ?

Il fixa son fils qui lui répondit par l'affirmative, puis se tourna vers Bélial. Elle avait le regard perdu dans le vide, et sembla se réveiller d'un songe quand il l'interpella.

– Hein ? Désolée, je pensais à autre chose. Tu disais ?

En soupirant, il lui demanda si elle avait besoin qu'on lui réexplique les règles, bien qu'elle était loin de sa première participation.

– Bah, ouais, du genre tout, répondit la démone le plus naturellement du monde.

Le chef écarquilla les yeux alors que des rires discrets se faisaient entendre dans les gradins.

– Tout comme quoi ? s'étrangla le chef qui était consterné. Les règles depuis le début ?

– Je faisais pas attention... expliqua Bélial en se grattant la tête. Et puis, même si je les entends assez souvent, ben... Je les oublie vite...

Tu sais, tu aurais pu me demander de te les rappeler. Ce n'est pas comme si j'avais une mémoire de trois secondes, comme certaines...

Alors que les rires se faisaient plus présents autour d'elle, la mère de Bélial se demanda ce qu'elle avait oublié dans son éducation pour que sa fille soit incapable de retenir des instructions aussi simples.
Au bord de l'explosion, le chef du village leva les bras en l'air avant de se mettre à hurler.

– Vous me gonflez tous ! s'égosilla l'ancien alors qu'une des veines sur son front gonflait. Évite juste de le buter, ça te va comme règle ?

– Et bien voilà ! s'exclama la barbare avec un large sourire satisfait. Simple et facile à comprendre ! Par contre, je ne fais pas de promesses !

– Au point où j'en suis, je m'en fous ! s'énerva le chef en quittant l'arène. Allez-y, battez-vous !

Déicide - Volume 1 - Défier le destinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant