Chapitre 14: Au pas de course... ou pas... (Partie 2)

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Ils marchèrent en paix pendant les deux premières heures. Malgré ses précédentes réticences, Bélial cessa vite de se plaindre de leur allure.

Contrairement à ses précédentes expéditions où la vitesse prenait le pas sur tout le reste, elle avait le temps d'observer ses environs. Elle explorait maintenant une zone encore jamais visitée par son clan, ce qui suffisait à la calmer.
Même si le manque d'action l'ennuyait, la voyageuse en elle était ravie. Le paysage qui défilait autour d'elle n'était pas bien différent de ce qu'elle connaissait déjà, mais la sensation de découverte la comblait de joie.

À un moment, le groupe longea une forêt dense et obscure où Bélial discernait la présence de créatures aux aguets, mais elle fut dissuadée d'aller les combattre. On lui rappela qu'elle avait elle même insisté pour qu'ils finissent cette mission au plus vite, et donc qu'ils devaient éviter les combats inutiles.
Tiraillée entre son instinct guerrier et son objectif, la démone opta finalement pour le second, même si elle devait se retenir de foncer dans la pénombre forestière en hurlant.
Frustrée de ne pas avoir pu se battre, Bélial obtint cependant une chance de se défouler un peu plus loin.

Alors qu'ils arrivaient à un petit bosquet, les voyageurs entendirent le son d'un groupe qui approchait sur le sentier, caché par la verdure qui leur bloquait la vue. Irma entraîna son équipe dans les buissons, et on demanda à Bélial de se taire alors qu'elle voulait savoir pourquoi on ne se préparait pas au combat.
Désormais dissimulés, ils restèrent silencieux et surveillèrent la route. Au fur et à mesure que l'autre groupe approchait, divers détails se précisèrent.
Le son que ces individus produisaient était celui d'un groupe armé d'environ six têtes, ne marchant pas de façon ordonnée comme des soldats, et trop chaotiquement pour des marchands ou des aventuriers. Ils parlaient entre eux dans une langue incompréhensible que Bélial et les autres purent reconnaître, car ils l'avaient déjà entendue dans des situations plus violentes.

Ce langage, couplé à une odeur atroce que même la barbare trouvait insupportable, ne laissait planer aucun doute. Avant même de les voir, le quatuor savait qu'ils avaient affaire à des orques. Leurs suppositions furent confirmées quand une horde de créatures massives à la peau verte entra dans leur champs de vison. Leur équipement disparate fait de pièces n'allant pas ensemble produisait une cacophonie qui avait alerté leur groupe bien avant qu'ils ne se rencontrent. Ils étaient armés de haches et de lances, aucune arme à distance étant visible.
Les aventuriers se dirent que les monstres n'allaient pas remarquer leur présence, et qu'il valait mieux ne pas tenter le diable.

Malheureusement, ils n'eurent pas le temps de prévenir la barbare qui se rua sur les orques en poussant un véritable rugissement.
Abasourdies, les deux factions présentes ne réagirent pas tout de suite à cet assaut inattendu. Bélial fut bien vite face à un premier adversaire qui se prit une mandale qui aurait arraché la tête à un bœuf. En voyant leur camarade s'effondrer dans la poussière, les autres orques se ressaisirent et se mirent en posture défensive en hurlant des insultes dans leur propre langue. Bélial enchaîna, passant à travers la garde d'un lancier peu adroit, et lui asséna un uppercut qui souleva la créature de plus de cent kilos et son équipement pesant d'un bon mètre.
Avant que ce dernier ne touche le sol, Bélial effectua une rotation sur elle même en se tenant sur une jambe et faucha d'un coup de pied puissant un troisième orque qui valdingua.

Les trois derniers orques allaient lancer une attaque groupée contre la furie incontrôlable quand les aventuriers décidèrent enfin de prendre part au combat. Déstabilisés par l'apparition de nouveaux ennemis, les monstres furent incapables de se défendre correctement.
L'un d'eux tenta d'embrocher Rasir, mais le nain se baissa, évitant l'attaque, et lâcha un cri de guerre nain en entaillant les jambes de l'orque.
De son côté, Tristan para un coup de hache et riposta en tranchant la tête de son adversaire. Enfin, Irma dévia l'arme du dernier orque qui perdit l'équilibre. Elle se glissa alors derrière lui et planta son épée dans une ouverture de son armure.

Achever les derniers orques fut alors une formalité dont ils s'acquittèrent sommairement. Cependant, la victoire ne fut pas une source de réjouissances, car Irma s'énerva contre la démone.

– Non mais ça ne va pas la tête ? Il ne faut pas foncer sans réfléchir! On aurait pu les laisser passer, et on aurait été tranquilles !

– Hein ? Et laisser passer une bonne baston ? s'indigna l'héritière de l'honneur de son clan.

Les deux femmes dialoguèrent devant les hommes qui hésitaient à intervenir.
Ils partageaient l'avis de leur chef, mais ils s'inquiétaient de voir Irma hurler sur une montagne de muscles qui faisait deux têtes de plus qu'elle et commençait à s'énerver elle aussi. Après avoir vu de quoi était capable Bélial, ils n'avaient pas envie de subir sa colère.
Tristan se risqua enfin en se glissant entre elles, les mains levées.

– Du calme mesdemoiselles, du calme... Irma, on savait bien que Bélial serait plus... impulsive que nous, on aurait dû faire gaffe. Et toi, petite, tu dois tenir compte de tes camarades dans ce genre de situation. Il faut d'abord être sûr que tout le monde est prêt avant de prendre des risques!

– Mouais... grommela la barbare qui ne trouvait rien à contredire.

Le guerrier se tourna ensuite vers la bretteuse qui fulminait, mais elle décida de se calmer, ne voyant plus l'intérêt de continuer la conversation.

– On est bien contents que t'es motivée, mais la prochaine fois, attends les ordres d'Irma, OK ? intervint Rasir. Y a bien un chef dans ton village, non ? Imagine ce qui se passerait si personne l'écoutait!

Le nain recula d'un pas en voyant le regard noir de la démone. Elle était d'accord avec ce qu'il disait, mais il venait de faire remonter en elle des souvenirs douloureux.

– T'as raison... dit elle enfin. Bon, je m'excuse. La prochaine fois, j'attendrais que tu te décides enfin...

Irma grinça des dents en serrant la garde de son arme. Elle avait beau savoir que les barbares n'avaient aucun tact, elle n'aimait pas son insolence.
Elle prit une grande inspiration et tenta d'apaiser son esprit en rengainant son arme.

– Bon... Au moins, on sait avec quoi on va devoir travailler. Fouillons les vite fait au cas où ils auraient quelques pièces, puis on se remet en route.

Les deux gaillards se regardèrent en soupirant, heureux de voir se désamorcer une situation aussi périlleuse.

Déicide - Volume 1 - Défier le destinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant