Chapitre 52: Cicatrices et combats (Partie 1)

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La réalité de la situation s'imposant de plus en plus dans son esprit, Sieg se laissa tomber sur le fauteuil, ne se souciant plus de l'état du mobilier. L'écarlate croisa ses doigts entre eux et posa son front dessus, pensif.
Il réalisait qu'ils ne pouvaient pas agir de façon inconsidérée. Pas quand la vie autant d'otages était en jeu.

– Diro, combien de parchemins de communication avez vous sur vous ?

La question de l'épéiste prit le soldat par surprise, mais il lui répondit qu'il en avait cinq sur lui.

– Alors vous allez immédiatement envoyer un message à la capitale pour prévenir les autorités de ce qui se trame ici ! Nous ne savons pas si nous aurons la chance d'en envoyer un plus tard !

Diro hocha la tête et s'assit en sortant son matériel de son sac. Nospade fit un pas vers lui pour l'arrêter, mais fut bloqué par Sieg.

– Ne faites pas ça ! s'exclamait le corsaire. Si Kalar se rend compte que quelque chose ne va pas...

– Nous ne pouvons pas rester là sans rien faire ! affirma Sieg. Les choses ne changeront pas si nous ne tentons rien ! Faites moi confiance, nous trouverons un moyen de sauver votre fils et les autres enfants !

Nospade se figea en entendant cela, devenant blanc comme un linge. Il baissa les bras, ses poings serrés.

– Sauver mon fils...

– C'est parce qu'ils l'ont que vous avez perdu espoir ! continua Sieg. Mais je vous jure que je vais...

– Ils n'ont pas mon fils...

Sieg se tût, ne comprenant pas ce qui se passait. Nospade lui tourna le dos et s'éloigna de l'écarlate.

– Au début, nous avions tenté de récupérer nos enfants, mais ça fait un moment que nous avons abandonné l'idée... Et tu sais pourquoi ?

Une idée se forma peu à peu dans l'esprit de l'épéiste qui réalisait qu'il avait parlé trop vite. Diro ne cessa pas de rédiger son message, mais il était arrivé à la même conclusion.

– Pour chaque jour où nous résistions, le lendemain à l'aube, le cadavre d'un enfant était exhibé sur la place publique. Après trois jours, nous avions perdu toute volonté de résister...

Sieg se sentit nauséeux. Il venait enfin de reconnaître une des odeurs qui infestaient cette maison.

– Je voudrais enterrer mon garçon, mais ma femme se met à hurler à la mort quand on essaye de le lui enlever de nouveau... Ils doivent encore être dans sa chambre, à l'heure actuelle...

L'écarlate s'appuya contre un mur en essayant de calmer son souffle et son cœur qui s'étaient emballés. Il ne pouvait s'empêcher d'imaginer la misérable femme en train de bercer le corps de son enfant, lui chantonnant peut être des comptines, ignorant la décomposition du cadavre dans ses bras.
Diro dut poser son message sans l'avoir fini, choqué par cette image horrible. Ses mains tremblaient trop pour qu'il puisse rédiger quoi que ce soit de lisible, de toute façon.

– Suivez mon conseil, et quittez la ville, tout les deux... Port-Écume ne peut plus être sauvée... Son âme est morte...

Sieg serra les dents et frappa le mur qui trembla, faisant tomber de la poussière du plafond. Il refusait de capituler, non seulement parce que sa mission en dépendait, mais aussi parce qu'il ne pouvait pas détourner les yeux.
Le bretteur se tourna vers Nospade pour lui annoncer qu'ils ne partiraient pas, quand ils entendirent quelqu'un frapper à la porte d'entrée. Les trois hommes échangèrent un regard interrogatif.

– Je n'attends pas de visite... grommela le corsaire.

– Et nos alliés ne seront pas en ville avant quelques jours... murmura Sieg. Non pas qu'ils sauraient nous trouver ici, de toute façon...

On frappa de nouveau à la porte, et une voix grave raisonna dans le couloir.

– Ouvrez, Nospade ! Nous savons que vous êtes là ! Nous voulons parler avec vos invités !

Sieg et Diro réagirent au quart de tour. Ils se doutaient que ce n'était pas le comité de bienvenue qui venait leur proposer une visite guidée des lieux touristiques. Il rassemblèrent leurs affaires, et l'écarlate ordonna à son compagnon de garder son message à porté de main.

– Nous allons nous séparer ! expliqua-t-il. Je vais essayer d'attirer leur attention ! Vous, votre priorité est d'avertir la capitale, alors trouvez un endroit où vous cacher assez longtemps pour finir le message !

Diro se mordit la lèvre. Il détestait l'idée, mais il savait que c'était leur meilleure option. Il tendit cependant un papier à Sieg.

– Juste au cas où, si vous arrivez à semer nos poursuivants ! Nous n'avons aucune garantie que je pourrais finir mon message ! Pour activer le sort, signez Palamdar !

L'écarlate accepta le papier et se rua vers la porte d'entrée, laissant le soldat se diriger vers la porte de derrière. Nospade, quand à lui, se rassit dans son fauteuil et se saisit d'une bouteille en soupirant.

– Bonne chance, moussaillon...

Une quinzaine d'hommes armés étaient réunis devant la maison du capitaine, un mélange hasardeux de pirates, gardes et aventuriers qui se tenaient prêts à intervenir. Ceux qui étaient spécialisés dans le combat rapproché restaient près de la porte alors que ceux qui employait des armes à distance ou des sorts s'étaient positionnés en arc de cercle autour du premier groupe, à dix mètre d'écart.

Un garde frappa de nouveau sur le battant, sommant qu'on leur ouvre avant qu'ils n'entrent par la force. Un pirate le poussa du chemin avec énervement.

– On va pas y passer la soirée, non plus ! Arrêtez de perdre du temps, et...

Le vaurien serra la poignée de la porte dans sa main. Les plus proches de lui purent entendre un son déplaisant, celui de la chaire en train de frire. Le pirate hurla de douleur, arrachant sa main de la poignée en y laissant sa peau collée. Il recula sous la panique, pile quand la porte vola en éclat dans une déflagration de vent et de flammes. Le groupe tenta de se protéger des débris qui leur fonçait dessus, n'apercevant que brièvement une forme rouge qui sauta au dessus d'eux. L'équipe à longue portée hésita, ne s'étant pas attendue à voir émerger un monstre cramoisi qui semblait voler vers eux. L'apparition fondit vers un archer, prit appui sur son visage, et bondit de nouveau pour rejoindre le toit de la maison d'en face avec le soutien de sa magie. L'archer s'effondra au sol alors que son agresseur atterrissait sur les tuiles avant de se retourner et s'adresser à ses ennemis.

– Vraiment ? Une quinzaine d'incapables pour m'interpeller ? ricana Sieg. On me sous-estime, ma parole !

Ayant attisé la colère de ses adversaires, Sieg évita sans mal les projectiles qui fusèrent enfin dans sa direction. Il fit mine de tomber accidentellement dans une rue avant de se mettre à courir loin de ses poursuivants.
S'il avait fui par les toits, il les aurait facilement semés, mais certains d'entre eux auraient probablement eu l'idée de pénétrer dans la maison et prendre Diro en chasse.
Pour le moment, son objectif principal était d'attirer l'ire et l'attention de leurs poursuivants.

Et il excellait dans ce domaine.

L'écarlate ne se servit pas de sa magie du vent pour accélérer sa course, donnant l'illusion qu'ils avaient une chance de l'attraper s'ils persévéraient.
L'épéiste se lança dans une foulée énergique, ignorant les passants léthargiques qui le regardaient sans comprendre ce qui se passait. Un des gardes hurla à tout le monde de le prendre en chasse, ce qui fit sourire Sieg.

– C'est un ordre du comte ! s'égosilla un pirate. Si le type en rouge n'est pas arrêté dans l'heure, c'est un morveux qui en fera les frais !

Sieg cessa de se moquer, réalisant que les ordres n'étaient pas seulement adressés aux gardes, pirates et aventuriers. Les habitants semblèrent se réveiller en entendant cette invective, et s'approchaient maintenant du bretteur.
L'épéiste fit des pas de danse gracieux pour esquiver ses nouveaux adversaires qui essayaient malhabilement de le saisir, des courants d'airs magiques augmentant son agilité. Il regretta être descendu dans la rue, car il aurait du s'attendre à ce qu'absolument tout le monde se dresse sur sa route. Il se refusa aussi à employer sa lame contre des civils innocents, sachant qu'ils y étaient contraints sous la menace.

Déicide - Volume 1 - Défier le destinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant